La famille à l’épreuve du Covid-19

Le coronavirus depuis trois ans ne cesse d’étendre ses effets délétères, sur une population à la recherche de mieux-être. La pandémie a bousculé les modes de vie, aggravé la sphère socioéconomique, créant des scissions dans tous les compartiments de la vie psychique, familiale, sentimentale. Ses incidences sur la parentalité sont des réalités qui depuis le confinement ont subi une courbe ascendante en fonction des événements liés à la propagation du virus, et à l’offre vaccinale. Elles s’analysent sous divers angles :

 

Le confinement et ses conséquences

La peur s’est installée de façon massive à un niveau véritablement alarmant. Elle s’est infiltrée dans les imaginaires par une lente progression sans que nul ne puisse se prémunir contre ses ravages. Lisible quand elle s’exprime librement, elle est difficile à déceler dans les comportements inadaptés.

Être enfermé 24h sur 24h, crée des conditions d’observation d’une telle acuité que l’autre se sent à découvert avec l’impression d’un regard permanent porteur d’un jugement muet. L’anxiété causée par l’enfermement a décuplé des dysfonctionnements incapables d’être dissimulés. Aucune échappatoire possible avec les jours succédant aux nuits, une absence de maîtrise des postures difficiles à juguler, ont dévoilé les comportements non gênants quand ils étaient occasionnels, devenus insupportables par leur quotidienneté.

Les addictions à l’alcool sont venues interroger la dissimulation de l’ingestion de la boisson sur le lieu de travail, la halte after work, et le doute sur des activités harassantes justifiant la fatigue du soir. L’addiction au jeu, au sexe ont créé la surprise dans un face à face intrusif, dévoilant une facette inconnue d’un partenaire transformé en un étranger presque inquiétant. Quelques-uns ne sont pas sortis indemnes de l’épreuve s’accusant d’une cécité psychique, coupables d’avoir exposé la famille à cet autre révélé.

Revenir à un équilibre antérieur n’a pas été facile tant que la rancune s’est imposée en retournement de la culpabilité. Admettre les pratiques proscrites par la morale devant l’écran demande beaucoup de tolérance et de partage d’un secret, la méfiance et la peur du passage à l’acte sur les enfants demeurant une perpétuelle préoccupation. Comment dès lors maintenir les liens en continuant sereinement à croire aux dénégations d’attitudes anciennes, mais d’un surgissement incompréhensible généré par l’anxiété d’une période exceptionnelle, comment trouver l’apaisement après un tel bouleversement ? Le confinement est mis au banc des accusés.

Les violences intrafamiliales ont ébranlé le socle de la parentalité. Le stress a mis en relief la vulnérabilité des adolescents en proie aux conduites ordaliques. Rompre l’isolement intolérable a donné lieu aux franchissements d’interdits tels les passages à l’acte brutaux sur les parents. Sortir à tout prix sans opposition aucune, se sentir capable d’ignorer les consignes de l’enfermement et ses règles édictées par la loi d’urgence sanitaire, ont mué la provocation en affrontement.

L’irritation des uns et des autres, l’évidence de ne plus se supporter, l’édification d’une horizontalité du pouvoir, ont mis à mal cette sphère sécurisante depuis des années. Les violences obligeant la mise à l’abri des plus exposés se sont propagées dans tous les sens : les parents sur les enfants, les enfants sur les enfants, les enfants sur les parents. La dégradation des liens parfois irréversibles est évoquée en termes d’incapacité du parent à assumer le quotidien nourricier sans donner d’explication aux difficultés financières dues sans conteste à la perte d’emploi. Le déficit de communication a créé des tensions et des conflits, fossé difficilement surmonté, aux traces bien visibles après deux ans.

S’agissant des enfants encore petits, la demande incessante d’aller à l’école en réclamant surtout la maîtresse, n’a pas toujours trouver les réponses journalières adaptées. Il a fallu faire preuve de beaucoup de calme et de pédagogie dans l’inventivité d’une réponse jour après jour, pas toujours la même. Le développement de troubles anxieux chez les enfants a laissé des germes de perturbations de grande ampleur chez les mères surtout, conscientes du reflet de leur propre anxiété. L’impuissance à calmer, à trouver les mots apaisants, à aider quand il s’est agi de travailler sur les logiciels scolaires révélant des connaissances parcellaires, a implanté une atmosphère inédite, modelant une autre représentation du parent. Changement de vision de soi par une introspection malaisée, volonté d’une remise en question, courage d’affronter une réalité pas toujours conforme aux attentes, le passage marquant de ce temps d’enfermement peine à s’oublier surtout s’il est jalonné de déchirures et de séparation.

Les violences conjugales ont été en augmentation à cause du face à face mais aussi à cause de la présence des voisins qui ont fait des signalements, dérangés par les cris et le bruit, eux aussi prisonniers des murs.

 

La propagation du virus

Elle a engendré l’ère du soupçon malgré le test de dépistage et la proposition vaccinale. La suspicion généralisée dans les familles a comptabilisé les porteurs potentiels du virus. La moindre défaillance physique, la moindre toux, identifiaient le danger. Les mesures d’éloignement volontaires ou suggérés, tenaient loin des parents jugés vulnérables. Désormais taxés en silence de pestiférés, se tenaient à distance tous ceux qui s’estimaient rejetés ou non désirés.

L’établissement d’une barrière entre les personnes saines imaginées et les autres ont divisé les familles. Quand un cluster était décelé, l’accusation muette portait sur celui qui travaillait à l’extérieur. Les rituels de purification maintenaient l’espoir de ne pas transmettre le virus, il s’y soumettait de bonne grâce afin d’échapper à l’opprobre jeté sur sa négligence. La surveillance des gestes barrières, l’établissement d’une distance avec les enfants, avec les parents âgés, ont émoussé les affects. Plus de repas ni de rites familiaux, la jauge rappelant la responsabilité de chacun. Une positivité au test était synonyme d’une volonté de nuire, l’affirmation d’une négativité cachait un mensonge. Toute personne était suspecte aux yeux d’autrui. La crainte de la contamination a isolé les plus âgés dont la rupture des liens a fait surgir le sentiment d’abandon, ouvrant la porte à la dépression et son cortège de troubles dont le syndrome de glissement : refus de s’alimenter, de se laver, de sortir du lit.

Le passage aux urgences covid, la plongée dans le coma, la guérison sont des facteurs de mise à l’écart, comme si le covid était éternel et ne disparaissait jamais de celui qui en avait été touché. Faire lit à part, ne plus s’approcher du revenant, aller jusqu’à demander le divorce sous des prétextes fallacieux dissimulaient les vraies raisons. La peur et la phobie de la maladie ont mené à la désunion de ménages, impactant la sérénité des enfants englobés dans un dommage collatéral. Le doute de soi, la souffrance morale, la dévalorisation ont acheminé des personnes vers une perspective de disparition totale. Après avoir bravé la mort, il leur a fallu surmonter la désillusion et la débâcle de l’amour.

 

La vaccination

« Je t’interdis de voir mes enfants » dit une mère à sa sœur. « Mais ma pauvre dans trois mois tu seras morte » Deux attitudes pro vax et anti vax se déclarent la guerre, chacun défendant son point de vue. La déchirure est palpable et à la limite l’invitation à partager un repas sous-tend la question de confiance. Plus de discussions, ni déchanges ; le monde est soudain peuplé d’ennemis qui jugent, qualifient d’ignares plus diplômés qu’eux, se privent de leur présence par des faux-fuyants, sans réellement le dire. La désignation d’un bouc émissaire est tout trouvé quand un parent contracte le virus. Sans test demandé, tous pointent du doigt le responsable du malheur : le non vacciné, gommant la déclaration de la science celle des vaccinés porteurs et transmetteurs. La culpabilité habite longtemps le membre de la famille nommé qui parfois demande une consultation de groupe afin de se sortir d’une situation pour le moins éprouvante.

La remontée du temps familial met en relief la mise à distance et l’accusation de la même personne. Le refoulé fait retour : le covid est un révélateur. Le mensonge devient obligatoire dans une volonté lucide d’épargner les enfants du rejet systématisé. Ils ne doivent pas être pénalisés par la décision parentale. Pieux mensonge, ressentiment accru envers l’intolérance, la division familiale est l’objet d’un entre soi qui dépasse les classes sociales, amoindrit les affects, construit les jugements, blesse de part et d’autre. L’intelligence n’a plus cours, le raisonnement non plus. Le vaccin a exacerbé les imaginaires, scindant en deux une société déjà affectée par la contamination au chlordécone, la déception du procès invalidant la demande de réparation de l’esclavage. Il aurait pu imposer la tolérance à défaut de rassembler. Il s’est engouffré dans une brèche ouverte sur la soumission et son contraire la résistance.

L’impact du coronavirus sur la parentalité consiste en la persistance d’un mal-être où l’inquiétude suscite des questionnements à propos de la santé mentale et de la santé des enfants, au vu d’une fragilisation de l’offre de soins et d’une improbable prise en charge adaptée.

Fait à Saint-Claude, le 19 juin 2022

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