Suspension des personnels de santé : rien ne change ?

Le constat d’un manque de personnel à l’hôpital s’obstine à ignorer dans les déclarations, la décision gouvernementale d’une mesure de suspension depuis un an des personnels de santé. Une annonce alarmante, une de plus, dans les chiffres communiqués par la direction de l’Assistance Publique, souligne que dans les hôpitaux de Paris il y a pénurie de soignants dont 1.000 (mille) postes d’infirmiers vacants et que 18% de lits sont fermés notamment en médecine, chirurgie et obstétrique.

Afin de gérer la crise, la direction suggère de proposer des emplois administratifs à d’anciennes aides-soignantes, un soulagement pour les médecins, d’introduire une souplesse dans les plannings des personnes voulant travailler douze heures d’affilée et venir moins souvent dans la semaine, d’augmenter le nombre de logements sociaux réservés aux agents, et de recruter davantage d’infirmières à la sortie de l’école. Aucune proposition ni suggestion s’agissant de la réintégration des personnels suspendus. Ils sont relégués aux confins de l’oubli, leur sort passé sous silence, comme si une page était tournée.

Les médias en Guadeloupe évoquent leur situation quand il y a risque de collusion avec les instances officielles. Mais en France ils n’existent pas, personne ne sait ce qu’ils sont devenus. L’adoption par le parlement du projet de loi sur la fin de l’état d’urgence sanitaire le 26 juillet 2022 a ouvert la voie à leur réintégration. Le texte stipule que l’obligation vaccinale des soignants sera suspendue dès que la haute autorité de santé (HAS) jugera qu’elle n’est plus justifiée. Les non-vaccinés seront alors immédiatement réintégrés.

A la mi-juillet, le nouveau ministre de la Santé a saisi les instances scientifiques à ce propos. La HAS a décidé le maintien de l’obligation vaccinale. : « Dans le contexte d’une 7ème vague au vu de l’efficacité des vaccins et l’incertitude concernant la suite de l’épidémie, la HAS considère que les données ne sont pas de nature à remettre en cause aujourd’hui cette obligation vaccinale. » En droit fil de cette dite déclaration, l’Académie de médecine a surenchérit en s’opposant fermement à la réintégration des soignants non-vaccinés jugeant : « qu’un revirement compromettrait le climat de confiance qui doit exister entre soignants et patients et mettrait en péril les malades fragiles ». Les exemptés doivent justifier d’une contre-indication médicale au vaccin, ou d’un certificat de rétablissement. 

La grande hypocrisie consiste à fermer les yeux sur le schéma vaccinal complet des personnes en poste. Si elles devaient, comme le préconise les consignes, obligatoirement avoir reçu les trois doses, l’hôpital fermerait ses portes : pas ses lits mais ses portes. Alors on fait comme si. L’assurance maladie n’expédie pas les dates de rappel de la troisième dose qui invalideraient les deux doses et convertiraient les vaccinés en non-vaccinés. On continue à faire comme si, quand un test positif ne requiert pas la durée des arrêts requis. De temps en temps personne n’est soumis à un test pour s’assurer de la non-propagation du virus depuis que la science affirme que les sujets peuvent être asymptomatiques : c’est à-dire ne présenter aucun symptôme de covid 19. « Il y a aujourd’hui des professionnels qui parce que l’on manque d’équipes sont quelquefois contaminés eux-mêmes, portent des masques, certes, mais qui sont amenés à intervenir alors que logiquement, ils ne devraient pas le faire. »

Pendant ce temps-là ; les résistants qui crient nou péké piké (nous ne voulons pas de vaccin) s’attellent de plus en plus à reconquérir leur vie. Ils décident de faire le siège de l’ARS (Agence régionale de santé), après une demande de rencontre avec son directeur qui leur répond qu’il n’est point de son ressort de prendre une décision contraire à une loi gouvernementale. Un professeur d’éthique médical avoue que la réintégration ne signifierait pas la réhabilitation de ces soignants mais procéderait à un apaisement, un retour au respect réciproque, à une cohésion sociale dans un pays qui aurait bien besoin de créer du lien. La réintégration procède à un choix politique, dès lors que l’obligation vaccinale qui se profilait pour tous avec le pass vaccinal pour voyager, pratiquer un sport, consommer des loisirs, est devenue caduque en application de la loi.

La question à se poser c’est : est-ce que l’obligation vaccinale est encore nécessaire, le masque dans les lieux publics est aboli, plus besoin de test pour se déplacer en avion. L’évidence est que l’on devra vivre avec le virus. Pourquoi s’acharner sur les résistants, par refus de faire marche arrière ? Une mesure ne devrait jamais être irréversible d’autant plus que tous les indicateurs sont en baisse en Guadeloupe, région au faible taux vaccinal en butte à la réduction des cas covid, constat qui serait propice à une recherche scientifique : un laboratoire à ciel ouvert.

L’immunité collective à peine prononcée semble poindre éloignant le spectre de la peur. Les rassemblements et les festivités ont repris, pas les clusters, la réanimation covid ne s’inscrit plus dans le registre de l’effrayant. La fragilité du système de soins, le marasme économique, la misère d’une partie de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté sont des réalités méritant quelques considérations. Couché poignet ou bras de fer, ne pas perdre la face et maintenir ce qui ressemble à une punition en clamant que la réintégration des soignants suspendus ne comblerait pas la pénurie, est une volonté de faire mordre la poussière à ceux qui persistent à dire nou péké piké.

Le nouveau directeur général du Chu de Pointe-à-Pitre a pris ses fonctions. Un comité d’accueil à l’entrée de l’établissement lui a rappelé les conditions des personnels suspendus qui comptent sur son expérience pour proposer des solutions adaptées à l’Outre-Mer. Quelques voix s’élèvent en murmurant que par décret particulier ce serait chose faisable. D’autres mettent en doute cette assertion contraire à l’hyper rigidité des caractères des personnalités narcissiques. 

La tempête tropicale Fiona vient de semer une vague de désespérance au sein des villes où les torrents de boue ont tout emporté sur leurs passages, supprimant une vie. La Guadeloupe essuie ses larmes faisant face à l’adversité. Des familles anéanties par les habitations emportées par les inondations serrent les dents, s’entraident, acceptent la solidarité spontanée, qui pour le nettoyage des intérieurs maculés, qui pour un partage de repas chaud, pied au sec, sur une véranda voisine, qui pour quelques effets de rechange.

Les prémices de montée des eaux avaient déjà été sujet de polémique à mise en accusation de négligence des instances responsables. L’eau n’est pas consommable, elle est impropre ne serait-ce que pour se laver les dents, ou pour cuire les aliments. Une Guadeloupe sinistrée au visage méconnaissable. Les résistants ont maintenu la manifestation du Lakou santé dont le thème était prendre soin de soi à l’aide des feuillages pays. La tempête annoncée a été l’objet de la rédaction d’un numéro spécial de la gazette du lakou santé dans laquelle les précautions à prendre en cas de mauvais temps remettaient en mémoire les gestes utiles en guise de prévention et de sauve qui peut.

En pleine tourmente à venir, les résistants se sont souciés du mieux-être de la population. Le bik à rézistans du CHBT à Basse-Terre a laissé passer les eaux dévalant la pente inondant l’espace des quelques gardiens du temple, comme si aucune force, serait-elle naturelle, ne saurait briser leur détermination. A la reconquête de leur vie, les personnels suspendus ont tissé un maillage extraordinaire de soi à soi, de soi au peuple, démontrant qu’ensemble la force est décuplée et l’espoir démesuré. L’admiration pour ces femmes et ces hommes est sans borne dans les paroles d’un peuple juge du système politique qui les broie.

Fait à Saint-Claude le 18 septembre 2022

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