Suspendus

Ils sont six cents (600). Six cents soignants sur le point d’être suspendus qui ne pourront plus exercer leur profession dans les établissements de soins. Pour la catégorie des soignants en libéral, ce sont « 672 courriers de mise à demeure » qui ont été envoyés, a dit la direction de l’ARS. Ceux de l’hôtellerie, de la restauration, de la sécurité civile et de la lutte contre l’incendie, sont susceptibles de subir le même sort.

« La suspension de fonctions consiste à éloigner temporairement du service un agent ayant commis des actes pouvant constituer une faute disciplinaire et perturber le fonctionnement du service. Ce n’est pas une sanction disciplinaire. Cette mesure d’éloignement est prise dans l’intérêt du service public et/ou dans l’intérêt de l’agent lui-même dans l’attente du règlement de sa situation. » (Direction de l’information légale et administrative. Premier ministre) Quel acte ont commis ces agents pouvant constituer une faute disciplinaire ? Le refus de l’obligation vaccinale.

L’historique du vaccin n’est pas banal. Le premier arrivé était l’Astra Zeneca qui a été mis hors circuit pour fait d’effets secondaires trois jours, la durée de l’observation. Depuis il est recommandé de ne l’administrer qu’aux personnes de plus de 55 ans. Le Pfizer est proposé au jugé de son efficacité et de son innocuité. Comment sait-on qu’un vaccin possède une totale innocuité ? L’affirmation que les essais cliniques ont montré qu’ils induisent une réponse immunitaire durable. Mais voilà que la troisième dose remet en question ce dire par la baisse sensible de l’immunité qu’il faut rebooster. Ce qui retient l’attention : « Les personnes qui devraient consulter un médecin avant d’être vaccinés sont les personnes dont le système immunitaire est affaibli » « on dispose actuellement de très peu de données pour évaluer l’innocuité du vaccin chez les femmes enceintes » (OMS).

En Guadeloupe, aucune visite médicale sérieuse n’est requise avant la vaccination, aucune recherche sérologique d’anticorps préalable non plus. Le soignant dans le vaccinodrome présente un document à remplir dont les petits caractères ne permettent pas de déchiffrer ce qui est imprimé, à supposer qu’il mettrait en exergue les bénéfices/risques et la responsabilité du laboratoire en cas d’incidents. Les quinze minutes obligatoires dans l’espace dédié ne sont pas systématiquement notifiées aux personnes qui s’en vont tout de suite.

Puis le Moderna dont l’annonce d’une dose unique avait vaincue les hésitations, vite déçues, par l’injonction d’une deuxième dose mais du vaccin Pfizer. La soupe à la grimace était mise sur le feu. Les questions taraudaient l’esprit : La première dose D’Astra Zeneca pouvait-elle être suivie d’une injection de Pfizer, n’y aurait-il pas collusion ou conflit de produit ? En quoi le Moderna serait-il insuffisant. Ne s’agissait-il pas là d’une guerre de laboratoire dont le public ferait les frais ? Les experts qui essayaient d’expliciter n’arrivaient pas à convaincre car leurs réponses n’avaient aucune similarité avec ceux de leurs confrères spécialistes, chacun allant de ses intimes convictions sans se rendre compte qu’ils donnaient l’image d’une science dont les connaissances étaient vacillantes, imprécises, inachevées. L’imprécision scientifique ouvre la porte à toutes les croyances.

L’ARS affirme que l’hôpital est en capacité de fonctionner combien même des fermetures de lit seraient nécessaires. Un optimisme béat que ne partage pas le président de la commission médicale d’établissement de l’APHP, en France. « Dans quelques mois, on peut voir un effondrement de l’hôpital » Qu’importe, la situation en Guadeloupe est sous contrôle, elle est au gouvernail, elle est fonctionnaire et doit se soumettre à l’autorité. La loi sera appliquée, la panique attendra.

Conséquences de la suspension des soignants

Dans la population les effets se font déjà ressentir. Les généralistes n’arrivent pas à absorber cette clientèle privée de leur médecin référent. Les rendez-vous tellement lointains accentuent les maux qui deviennent douleur morale générés par un sentiment d’abandon. L’impression de tout recommencer, l’histoire de la maladie, décrite de façon succincte, la rapidité de la consultation face à une écoute non familière, l’embarras d’un surcroît de travail pour le praticien, sont des insatisfactions propices au stress. Le laboratoire de prélèvement sanguin maintient sa porte close, dirigeant sur la sphère privée les ordonnances. Le service public ne remplit pas sa fonction. Le plan blanc avait justifié la déprogrammation des prises en charge, sur la promesse d’une attente juste différée. Les vagues successives ont obligé le report de traitement des patients qui au bout de trois ou quatre fois ont été animés par des sentiments de rejet renforcés par la perspective de ne plus pouvoir trouver de solution à leurs problèmes.

La mise en accusation de l’indifférence du corps médical envers le corps malade est un sujet de trouble. Les garants de la santé deviennent des activateurs de désespérance dans la mesure où la différence de la représentation de la maladie imprègne l’imaginaire. Le soignant et le malade sont dans des postures dissemblables. L’un croit que l’aggravation de son cas ne présente aucun intérêt pour l’autre, il le pense dénué de compassion, froid, non conscient de la souffrance en augmentation. La confiance est brisée, le lien altéré, le noyau même du prendre soin semble inexistant. L’absence endémique du personnel soignant à l’hôpital qui faisait avec les moyens du bord, va se muer en désert sanitaire en regard des suspensions. La population est en danger d’augmentation de pathologies, mais qui s’en soucie ? Diabète, hypertension, obésité, maladies cardiaques et rénales, cancers et covid 19 sont des réalités qui font craindre le pire.

La politique du déni

La direction du CHU s’étonne du taux d’absentéisme des soignants. Elle les suspecte d’arrêts maladie de complaisance. Se plaindre d’une situation que l’on a crée s’appelle du déni. Elle va plus loin dans la mise en accusation pour fait de complicité, les médecins responsables des actes produits. Cela revient à dire qu’elle remet en question la compétence médicale lui déniant tout savoir-faire et s’instituant superviseur du professionnel dont le diplôme l’autorise à exercer une spécialité. Mieux, la saisie de cette affaire inqualifiable, a ses yeux, mérite d’être signalée à l’Ordre des médecins dans un but de sanctions. Le déni est une étape d’un plan orienté vers l’éradication de l’autre ou sa soumission. Il est désigné comme responsable de ce qui lui arrive. La faute rejetée sur la victime est un refus de prendre en compte une réalité dans l’inversion des rôles. Le déni justifie une violence déclenchée par la résistance d’un groupe identifié comme persécuteur.

L’insoumission non acceptée remet en question le pouvoir de l’agresseur qui se sentant menacé s’engouffre dans un passage à l’acte inévitable. Mécanisme de défense sur le versant pervers, qui prive de ses droits un groupe, le déshumanise, et s’étonne d’une réaction jugée abusive. L’impossibilité de reconnaître le droit au répit de soignants qui dans le tourment de la première vague ont sacrifié leurs jours de repos, leurs compensations, accumulant des heures supplémentaires au détriment de leur vie privée, et dans l’enfer de la quatrième vague ont regagné leur poste à la demande de la direction, c’est ignorer l’existence du burn out et de ses méfaits. Le stress, la fatigue, la pression du soin à prodiguer, la mortalité en accéléré, la peur de la contamination et de la transmission ne méritent aucune considération ? ne nécessitent aucune reconnaissance ? ne suscitent pas de réflexion ?  Pourquoi éviter les sillons d’un raisonnement sain ? 

Les effets de la suspension

L’assertion soulignant une situation similaire s’agissant de la suspension des soignants ici et en France (depuis le 15 septembre), ne tient pas compte de la configuration de l’île. Les limites imposées par la mer n’autorisent pas le franchissement d’une frontière favorisant une recherche d’emploi dans une région voisine. En France la période des vendanges, le ramassage des champignons auraient pu dans le pire des cas soutenir les réticents au vaccin. Ici rien de tout cela. Le bassin de l’emploi n’est pas suffisant à une reconversion. La double peine subie est évidente, d’autant plus que le foyer monoparental ne repose que sur une seule source de revenus. La mort proclamée est une mort par inanition, car priver de nourriture une personne consiste à le condamner symboliquement à mourir de faim. Mettre en souffrance toute une famille est un acte d’une telle cruauté qu’il paraît invraisemblable.

La précarité financière des familles aura pour conséquences l’accroissement de la paupérisation, l’impact sur le niveau de vie des enfants, l’aggravation de la politique économique dans une région fortement touchée par le chômage. La proposition d’un revenu minimum de solidarité est une insulte à un groupe dont la formation et les études ont contribué à construire leur vie selon leurs aspirations professionnelles à l’aide de vrais métiers et aujourd’hui on leur demande d’être dépendants et inactifs. Ils ont opté pour le prendre soin des corps, des âmes sans envisager qu’une telle négation de leur identité soignante serait possible.

Les bouches dissimulées derrière les mains, les yeux impassibles ou aux regards détournés approuvant les suspensions ne savent pas ce que l’artillerie de guerre s’octroie comme décisions à prendre envers un plus large échantillon de la population si ce n’est la population tout entière. Le proverbe sert d’alerte par une mise en garde à méditer : « kan kaz a vwazin aw ka brilé, mété bab aw à la tramp ». La suspension des soignants est révélateur de l’avènement d’un monde autoritaire qui ne dit pas son nom, agissant en toute impunité avec la bénédiction d’une tranche de sujets applaudissant à la négation d’autrui et de son humanité.

De quoi demain sera fait ?

Fait à Saint-Claude le 14 novembre 2021

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3 commentaires pour “Suspendus

  1. Merci Hélène pour ta vigilance de toujours pour soutenir notre peuple toujours mal-traité. Les analyses pertinentes que tu réalisent devraient éclairer quelques décideurs dans ce pays Guadeloupe. Mais nous savons déjà qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Laisser rouler…pli ta pli tris.
    Nou toujou doubout o komba!!! Vigilance oblige….

  2. Ce texte a le mérite d’être clair et décrit très bien la situation du pays et de son peuple depuis le début de cette soi-disant « pandémie ». Le gouvernement applique le  » diviser pour mieux régner ». Et ça marche très bien. Il n’y a que dans une dictature que l’on dirige en faisant régner la peur sur sa population, faisant du chantage au salaire. Si tu veux toucher ta paie tu dois faire ce que je te demande de faire quoiqu’il t’en coûte, et surtout tu fermes ta gueule. Mais pli ta pli twis.
    Le tour de ceux qui font régner la terreur en l’occurence les force de l’ordre, viendra

    1. Bonjour madame Migerel.
      Merci pour cet éclairage émouvant qui fera son cheminement dans les coeurs avant qu’il soit trop tard.
      Bonjour courage à vous.

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