Publié dans Le Progrès social n°2657 du 22/03/2008
La rupture est l’arrêt d’une relation amoureuse avec à l’arrière plan la décision de ne plus la recommencer. Elle serait un point de non-retour si elle ne baignait dans une complexité dont s’entourent les sentiments. Décidée par un des partenaires, elle prend allure de réaction quand ne supportant plus l’agressivité, l’instigateur du désamour préfère rompre le lien se sentant par trop méprisé.
Certains arrivent devant le juge en vue d’une conciliation. Le délai de trois mois de réflexion exigé par cette instance légale et juridique, représentant le père, ne les ramène pas en ce tribunal de verdict et d’inquisition de l’intime. Ils trouvent les arrangements nécessaires à la continuité du désir. Cette démarche est une forme de communication qui exprime le malaise profond du couple incapable de s’asseoir et de parler.
D’autres s’obstinent jusqu’à l’obtention du divorce et délivrés de l’obligation de vivre ensemble, renouent le dialogue et revivent sous le même toit. Souvent la nouvelle relation se solde par un échec ; les conflits n’ayant pas été liquidés.
La séparation peut mener à la rupture ou au contraire aider à comprendre la difficulté d’être ensemble. Son choix procède d’un souci d’apaisement. Eloignée du regard, la présence n’exacerbe pas la rancœur. Le test du vivre séparé autorise une introspection que la proximité empêche. Quand les problèmes de fond n’ont pas été évacués, ils réapparaissent lors d’un doute, la désillusion restant ancrée dans l’inconscient. La reprise de la relation ne sera satisfaisante qu’après un travail psychologique individuel des deux partenaires. Il est préférable d’éviter une séparation car elle laisse des traces douloureuses de l’ordre de la perte et du manque.
Les causes les plus fréquentes de rupture sont le fait de l’absence ou de l’échec de concessions. L’incapacité à négocier les choses importantes débouche sur l’incompréhension et donne lieu à des cruautés mentales. La pression des parents et leur ingérence dans les affaires intimes ne sont pas négligeables. Les menaces permanentes et les conséquences du ras-le-bol décident de la volonté de changer d’atmosphère.
Aimer ailleurs aussi, quand l’ennui s’est installé au quotidien, est un facteur de rupture autant que la perte de confiance pour cause d’infidélité. Après des années de mauvais traitements, la mère de famille dans un but de protection du psychisme des enfants, renonce à la vie commune.
Puis le deuxième temps de l’amour, dans la période des quatre ans, l’amour lucide et malheureux achève la fascination de départ. Séduire n’est pas de mise. Cependant rien n’est facile en ce domaine. La volonté ne suffit pas, l’acte non plus. En se levant un matin l’évidence de ne plus désirer l’autre est un dilemme. Comment le dire sans blesser et sans avoir à affronter sa déception ? Il feint d’ignorer la dégradation des liens, faisant l’autruche, espérant un changement. Celle qui évoque la peur du suicide du partenaire se trompe d’objet.
Le suicide n’est pas lié au chagrin d’amour, il fait écho à une souffrance plus lointaine, issue de l’enfance et ravivée à l’occasion de la rupture. C’est très jouissif de se persuader qu’un être peut mourir d’amour pour soi. Ce dont il s’agit là, dans le manque de courage de le dire, c’est de lui faire payer et de se venger inconsciemment sur lui de tous ceux qui ont rompu.
Aimer, c’est laisser quelqu’un libre de ses choix.
Les calculateurs reviennent dès que les ex s’accommodent d’une fréquentation. Ils ont refait leurs vies, mais ressentent le besoin de se fournir les preuves de leur pouvoir. Point n’est dans leur intention de reprendre une relation, mais la démonstration de garder à disposition une âme crédule les comble. L’asservissement se fonde sur la difficulté à accepter la fin de l’amour pour celle qui se vit comme une victime. Après une rupture pour cause d’infidélité, la reprise de la relation dans une situation plus compliquée que la précédente, le dévoilement du don juanisme et sa perpétuation, démontre que l’homme ne cherche qu’à être aimé. La séduction est une drogue dont il use. Celle qui croit à un amendement possible se repaît d’illusion. Elle doit se demander ce qui conditionne son attitude.
Les effets psychiques de la rupture dépendent de la personnalité et de la biographie.
Le sentiment d’abandon et de rejet assurent la permanence de l’effondrement narcissique. La question posée de l’amour partagé ou de l’intérêt abusif reste sans réponse. La rupture est inacceptable parce qu’elle renvoie au traumatisme de la séparation avec la mère. Ce premier attachement et sa force auraient pu se lire dans la manière avide de téter, la jalousie envers le frère ou la sœur, la sensation demeurée d’être le mal-aimé.
Le sentiment de trahison développe une suspicion généralisée avec beaucoup d’agressivité. La divulgation du mal-être à grand fracas de mots sert à disqualifier l’autre. La sensation de perte de contrôle de la situation est très mal vécue par les personnes qui n’avaient jamais éprouvé le doute de soi. La baisse de libido est un des effets de ce doute. Les performances sexuelles ne font pas bon ménage avec la dépression légère ou grave qui s’ensuit. L’installation dans le chagrin d’amour pathologique est de moyenne ou de courte durée.
La crise paroxystique ( passage à la vitesse supérieure de la discorde) comporte des phases diverses. Parfois les périodes de harcèlement empoisonnent la vie du partenaire. La mise en œuvre de mesquineries allant jusqu’à la privation de nourriture est un acte manqué de mort par inanition. Un homme dont la femme ne travaille pas, a posé un cadenas sur le réfrigérateur, et en son absence personne ne peut y avoir accès, ni s’abreuver d’un peu d’eau glacée. D’autres fois, le non-respect des engagements de départ prive la maisonnée de fournitures indispensables tels l’eau, l’électricité, le gaz. Les factures restant impayées.
Enfin, les vociférations quotidiennes sont les ingrédients alimentant la violence de part et d’autre. Le crime passionnel intervient dans un contexte où une parole malheureuse, une menace de séparation déclenchent le passage à l’acte. Ils sont de deux types :
- Le crime passionnel utilitaire pour recouvrer sa liberté. C’est un acte prémédité mais tellement obsédant qu’il ne permet d’entrevoir aucune alternative autre que l’homicide. On se débarrasse d’un partenaire gênant.
- Le crime passionnel ou crime d’amour engendré par un conflit à bascule d’amour et de haine ( jalousie amoureuse.) Sitôt l’acte accompli, le criminel tente de se suicider. Cette forme d’auto punition est révélatrice de l’aspect justicier du crime. Il emprunte un cheminement. D’abord l’idée de la disparition accidentelle de la victime. Le fantasme meurtrier se réalise à travers les actes manqués, les lapsus. Enfermer l’autre par inadvertance dans la cave, laisser un met chaud lui tomber dessus, en évoquant un mort l’appeler du prénom du partenaire, sont des indices d’alerte. Puis peu à peu s’impose la perspective du crime d’une manière envahissante, avec ses manifestations d’auto et d’hétéro agressivité. Enfin, arrive le sentiment de souffrance non mérité. La perte des habitudes, la mise en accusation de la future victime responsable de cette souffrance obligent à la considérer comme un danger à neutraliser. Le meurtrier a un profil particulier. Il est sous l’emprise de l’impulsivité qui s’assortit de frustrations affectives précoces. Ces frustrations engendrent des fantasmes de mort, sortes de mouvements agressifs concernant des objets internes primaires mais projetés à l’extérieur.
A noter que l’on peut rompre sans dommages. La médiation, la consultation psy, le conseiller conjugal, aident ceux qui en font la demande.