Le retour à l’école

L’heure du déconfinement n’a pas porté à l’ordre du discours l’organisation de la scolarité. La question s’est posée lors du confinement, dans une situation d’urgence absolue, sans réflexion préalable, comme pour tout évènement caractérisé par une première fois. Il a fallu expérimenter des logiciels apprenants non utilisés de façon courante, les outils informatiques ne fonctionnant pas toujours correctement, organiser le cadre domestique de cette nouvelle disposition – espace, planification, horaire et durée- et composer avec les élèves plus ou moins motivés. Les enseignants ont fait face à une réalité instructive à certains égards, mais insoupçonnée : la relation à distance nécessitant une approche différente, l’inclusion de la parentèle et cette impression d’un confinement/vacances prématuré, obligeait à innover, à créer, pour capter l’attention dissipée dans la sphère intimiste de l’habitat parental.

L’organisation de l’enseignement à distance a mis en lumière des écarts dans la réception des devoirs pour une frange de la population qui n’avait accès ni à internet, ni à un ordinateur. Dès lors, des dispositions particulières venant du rectorat afin de ne pénaliser personne, devaient enclencher un programme construit.

 

Disposition n°1

L’Education nationale a passé un partenariat avec la Poste accompagnée de la filiale numérique DECAPOSTE dont l‘objectif était de permettre aux élèves en déconnexion numérique de recevoir des devoirs par courrier postal grâce au dispositif ; « Devoirs à la maison ». La manœuvre repose sur quatre actions :

  • L’enseignant donne ses documents au chef d’établissement au format numérique.
  • Le chef d’établissement envoie les documents à la Poste, accompagnés des coordonnées des destinataires.
  • Decaposte se charge de l’impression des documents et de la livraison à domicile
  • Deux solutions pour le renvoi du travail de l’élève 
  1. a) Il est déposé au collège et transmis au professeur par le chef d’établissement
  2. b) Il est réexpédié à Decaposte

 

Disposition N°2

Durant le confinement, le format papier des travaux étaient disponibles à l’accueil du collège jusqu’au 22 juin date de la reprise obligatoire. Sur 470 élèves, seule une trentaine de parents est venue récupérer les documents en début de confinement.

 

Disposition N°3

Des tablettes et des ordinateurs ont été distribués, aucun travail n’a été remis par les élèves qui en ont été pourvus.

Après bilan, le retour des travaux dans le cadre du télétravail oscille entre 25% et 45%.

Decaposte a-t-il été efficient dans la réalité ? Aucune réponse n’est donnée. Les abonnements internet promis ont-ils été mis en place ? Se pose la question de la pertinence d’un système pour une partie de la population privée de l’accès au numérique pour des raisons financières, donc non familiarisé aux outils informatiques.

De surcroît la plainte signale que les outils non sécurisés ont été infecté par des insultes envers les professeurs, des images déplacées. Un retour des travaux d’élèves par le télétravail oscillant entre 25%et45% devrait alimenter une réflexion dans un but constructif.

 

Le retour à l’école 

Les maires réunis en assemblée autour du président de Région, de la présidente du Département, d’un commun accord ont décidé de ne pas ouvrir les écoles parce que ce qui était imposé dans le premier protocole sanitaire de reprise de 58 pages, n’était pas réalisable. Seuls deux maires se sont désolidarisés du bloc, démontrant qu’ils pouvaient être des pionniers en matière de gestion des gestes barrières. La prudence justifiée d’une ouverture au mois de septembre qui donnait le temp de mettre en pratique la méthode insérée dans le protocole, la nécessité de faire des travaux en relation avec le plan de circulation, la création de salles de classe supplémentaires en regard du nombre d’élèves par salle, vu la distance à respecter, la commande de gel hydroalcoolique épuisé en pharmacie, a été mise à mal par un concitoyen qui a assigné un maire en justice, dont la décision le condamnait à une amende journalière élevée en cas de non ouverture de l’école. Ce maire a-t-il pu justifier l’accord le liant aux autres par un pacte commun ? A-t-il pu révéler le manque de moyens financiers et sa volonté de préparer l’accueil des enfants dans les meilleures conditions possibles. Savait-il qu’une classe ne comportant qu’un seul élève doit refermer ses portes ? Une seconde voix s’est détachée du pacte commun, discordance du dernier moment, avouant les raisons de sa dissidence. Ce serait fait de toute manière, autant commencer.

Les énoncés déstabilisant venant des scientifiques, relayés par les politiques ; les enfants ne sont pas en péril, mais peuvent propager le virus, en même temps, il leur faut garder une distance d’un mètre durant la récréation, en même temps il faut les accompagner aux toilettes avec un sens de circulation : contradictions manifestes que personne ne pointe du doigt. Le masque est obligatoire pour les enseignants. Pas de cantine, école à mi-temps une semaine sur deux : les parents doivent trouver des solutions adaptées aux horaires des enfants. Arrive l’annonce de la maladie de Kawasaki qui sème l’affolement dans les familles : Et si malgré tout ce qui est dit !!!!on ne sait jamais !!! La reprise des petits n’a pas reçu l’avis favorable des familles, sauf ceux qui par un rattachement à un corps de métier, ne pouvaient dire non.

Le premier geste barrière, l’essentiel, est le lavage des mains. Certaines villes n’ont pas d’eau, ce scandale dure depuis des années, il est augmenté d’une énigme. Comment assurer au quotidien la sécurité sanitaire des petits et des grands. Tout le monde fait comme si. La Guadeloupe ne veut faire courir aucun risque à ses enfants. Ils ne fréquenteront pas l’école, pas tout de suite.
Puis soudain, les collèges doivent recevoir des élèves à partir du 22 juin, (ce n’était pas prévu dans le plan de départ), obligation d’obtempérer selon la voix gouvernementale. Fini le retour à l’école sur la base du volontariat. Un nouveau protocole de 16 pages régule et corrige les dispositifs antérieurs. Le ministre de l’Education Nationale dit : « Plus de 80% d’écoliers et près de 75% de collégiens ont repris le chemin de l’école. » A Paris, l’école primaire LAMORCIERE dans le 12e arrondissement a fermé ses portes le mardi 23 juin. La raison : la positivité au test d’une enseignante. Une deuxième école parisienne ferme ses portes le 24 juin, l’école SAINT-MERRI dans le IV arrondissement. Personnels et enfants par précaution doivent être mis à l’isolement 14 jours. Selon un sondage, 56% des parents estiment que cette reprise de l’école n’est pas une bonne idée à deux semaines des vacances d’été. Le retour est obligatoire pour tous les élèves, exception faite pour les enfants fragiles et pour ceux dont l’un des parents est considéré comme étant vulnérable. Un certificat d’isolement sera requis pour les en dispenser. Si les parents refusent d’envoyer leurs enfants à l’école, « on applique la règle normale, d’abord on leur fait signe, ensuite ce sont les règles normales qui s’appliquent » a dit le ministre de l’Education Nationale.

 

Le remplissage des classes

Le comité d’hygiène et de sécurité, selon le protocole, devait veiller à l’application des préconisations.  Après constat de conformité et seulement après, l’accueil des élèves pouvaient se faire. Cela n’a pas été systématique. Quelques établissements ont enfreint la règle en passant outre cet avis consultatif. L’observation d’un collège/type, révèle des chiffres sur trois semaines de 37 élèves sur 470 au total. Le pourcentage est très éloigné de l’affirmation du ministre et de plus ce pourcentage ne présente pas de constance. Parfois de 20 en passant à un élève, les enseignants ont l’impression de faire de la garderie, d’autant plus que les groupes sont composé d’élèves de même niveau mais de classes différentes. Ils se retrouvent avec des camarades et des professeurs qu’ils ne connaissent pas et qui avaient travaillé des chapitres différents.

Désormais, les normes changent. La distanciation d’un mètre n’est plus imposée à l’école maternelle entre les élèves d’une même classe. A l’école élémentaire, pour accueillir tous les enfants, la distanciation d’un peu moins d’un mètre est possible. Si la distance d’un mètre ne peut être respectée au collège, le port du masque sera obligatoire. Le lavage des mains à proximité les uns des autres pour ceux d’une même classe, la réouverture de la cantine sont des assouplissements inscrits dans le nouveau protocole sanitaire.

Au regard d’un constat aussi décevant, n’aurait-il pas fallu se concentrer sur les élèves en difficultés, leur offrant des moyens adaptés à leur condition sociale. Par exemple, une prise en charge par petits groupes, comme pour les enfants des soignants, sachant qu’ils n’auraient aucune adhésion au télétravail ? L’occasion d’aider un groupe en retard. Ce qui n’empêcherait pas de continuer le télétravail pour les autres. La décision d’une rentrée en septembre dans les meilleures conditions qui soient, moins angoissante pour les familles a du sens. A quoi rime l’obligation du retour à l’école du 22 juin ? A une marque d’autorité pour seulement un délai de moins d’un mois ? A une démonstration de pouvoir envers les maires réticents gestionnaires de leurs villes ? A une volonté de remettre les enseignants au travail dans l’espace public puisque dans la sphère de leur habitat, ils ont entretenu le savoir en dépit des difficultés ?

 

 Mais doit-on s’autoriser à dire : tout ça pour ça ?

L’expérience d’une colonie de vacances apprenante et ses bienfaits : permettre à certains enfants d’accéder aux loisirs en groupe, de bénéficier de rencontre socialisante, en étudiant ou révisant hors du cadre rigide de l’école est-elle envisagée par les institutions s’occupant des familles ? Il n’y a plus d’urgence, la période de trois mois aurait dû être mise à profit afin d’édifier des projets intelligents et originaux, facilitateurs d’apprentissage doublé de mieux-être.

Fait à Saint-Claude, le 28 juin 2020

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