Pourquoi ce besoin de psy ?

Publié dans Le Progrès social n°2566 du 10/06/2006

Dans le vocable psy est contenu toutes les dénominations de spécialistes s’occupant de la santé mentale des populations. Psychologues, psychiatres, psychanalystes, psychothérapeutes se répartissent entre établissements publics et privés, assument la prise en charge d’enfants, d’adolescents, d’adultes selon des méthodes diverses.

Leurs domaines d’intervention ne sont pas limitatifs : l’hôpital et le cabinet pour les consultations, l’école où se trouvent les conseillers d’éducation, les différentes structures de la DAS, la crèche à des fins de détection et de prévention, l’entreprise pour le management et la gestion des conflits.

En plus de leur fonction habituelle, ils sont appelés à prendre en charge les personnes victimes de stress post traumatique après un accident, une agression, des catastrophes naturelles ( tremblements de terre, cyclones.)

Le psy se conjugue à toutes les heures, tout au long des jours. Dès le matin à la radio il est sollicité pour son commentaire relatif à un évènement dont l’explication est nécessaire.

Dans les magazines parlés, sa présence est indispensable à l’information d’une société avide de comprendre ses attitudes et celles d’autrui ; la télévision est elle aussi demandeuse du speed-dating ( avis sur un évènement.)

La consultation de l’enfant ou de soi-même permet la rencontre de visu, comme s’il était devenu incontournable et qu’une journée sans lui ne pouvait être.

Si le psy s’est implanté dans cette société en quête d’assistance psychologique et médicamenteuse, qui il n’y a pas si longtemps avait un fonctionnement de type traditionnel, c’est qu’il répond aux besoins d’une population qui a très rapidement perdu des valeurs/refuge, et se trouve en rupture de réseaux de solidarité. La passerelle entre ordre ancien et ordre nouveau ne saurait être stable sans quelques aménagements.

Deux éléments majeurs facteurs de la déstabilisation individuelle et de groupe sont :

– Le déclin de la famille avec l’éloignement des aînés : les valeurs sont non perceptibles parce que non transmises. L’éducation des enfants semble un dilemme. Des parents n’arrivent pas à trouver des principes éducatifs adaptés aux différents environnements. La surprotection et l’absence de frustration à l’intérieur de la maison sont en contradiction avec le dehors.

L’édification de l’enfant-roi et sa cohorte de sentiments de toute-puissance génère des brisures. Traîner l’enfant chez le psy correspond à une solution de facilité. Incapable de fermeté, le parent fait semblant de croire que seule la maladie mentale est capable de tels excès, de tels débordements.

La décharge du risque de ne pas prendre de décisions éducatives afin d’être aimé propulse le psy dans le champ de l’éducateur/tuteur capable de redresser les mauvaises tendances caractérielles.

– L’amenuisement des pratiques religieuses (déperdition des règles de conduite, inexistence d’un soutien d’une communauté de croyants). Ces deux piliers donnaient l’assurance de pratiques solidaires et un sens aux épreuves de la vie. Les non croyants (rares) trouvaient un support modélisé dans l’engagement à une cause politique, pensée messianique en désaffection elle aussi. La révolution et le changement de style de vie ne font plus recette.

Avant le prêtre était le confesseur, il avait tendance à absoudre le pêché indissociable de la notion de devoir auquel il était difficile de manquer sans émergence de la culpabilité. Mais le secours de la foi et son insuffisance à gérer la désillusion moderne mettent le psychothérapeute au premier rang de l’attente d’un épanouissement recherché.

Cette survalorisation de l’épanouissement personnel se généralise à cause d’une revendication du bonheur, droit inaliénable dont chacun réclame la totalité et espère l’obtenir de façon passive, sans avoir d’efforts à faire. La recherche de vie libre et excitante surtout dans les relations amoureuses a comme contrepartie l’accroissement des frustrations. Le refus du dépit, l’importance du bien-être orientent la demande vers la consommation psychologique d’autant plus que la vulgarisation de livres prometteurs de recettes de bonheur et leur succès (à la vente, pas à l’application des formules) suggère que de légers troubles psychiques seraient à l’origine du ratage des vies.

La forte tendance à l’incitation à travailler son estime de soi accusée de tous les maux, intègre des individus au sein de groupes hétéroclites allant de la criothérapie aux massages olfactifs en passant par la gestalt-thérapie et la Pnl ( programmation neuro linguistique.) Au canada, un groupe très original tournait autour d’une tente (tepee) en chantant des onomatopées guerrières. Des séminaires de week-end en France, apprenaient à écouter le cœur de l’arbre au milieu de la forêt, oreille collée au tronc.

L’entreprise favorise les méthodes d’apprentissage de gestion du stress. Timidement le coach en Guadeloupe propose ses services ; dans quelques années, l’amélioration des performances de l’individu et des institutions souscrira au développement de ses champs d’action.

C’est vrai que de plus en plus le monde exige une assurance de soi en toute circonstance et que la compétitivité est devenue une valeur suprême. Etre capable d’utiliser son flair social en se constituant un capital d’amis, de connaissances, savoir être accompagné d’une personne de sexe opposé ( peu importe la durée) ne suffit pas. Faut-il encore convaincre un employeur de ses qualités optimales dont il ne saurait se passer et travailler de façon régulière au rythme de l’entreprise.

Tout ceci relève d’une bonne santé psychique. Les angoissés, les lents, les timides présentent de difficultés d’adaptation et le domaine professionnel opère une sélection. Le soutien psychologique autorise à ceux-là de s’aventurer hors de leur sphère familiale – emploi réservé dans les entreprises de famille, mariage dans groupe d’appartenance (deux sœurs épousant deux frères).

La démarche auprès du psy se fonde sur une communication dysfonctionnelle avec l’entourage. La parole est parallèle et non croisée. Une frilosité affective menace l’écoute : «  J’ai déjà mes propres problèmes, cela suffit. » Le refus d’entendre la souffrance d’autrui et de l’assumer appelle le psy à la rescousse pour l’annonce d’un deuil. Avoir la présence et l’épaule d’un parent en première instance est indispensable ; le professionnel ne devrait intervenir qu’en deuxième position.

Ne pas occulter cette dimension affective est déjà un acte thérapeutique. Trop souvent les personnes veulent être réparées afin de vivre adapté à leur environnement. Elles sont en quête d’une satisfaction sans limite parce qu’elles croient en un monde merveilleux sans méchancetés, idéal, un monde de l’enfance dénué d’embûches et dans lequel la moindre émotion est vécue comme un évènement pathologique.

A la recherche du bonheur dont le psy croit-on, détient la recette, il semble épuisant d’être face à face avec soi, d’essayer d’être soi.

La consommation excessive de psy rapetisse la communication et le dialogue avec les autres. Se fait jour un concept de victimisation qui empêche de se remettre en question. Les victimes de quelqu’un ou de quelque chose mettent sur le devant de la scène le besoin de reconnaissance.

Il y a des raisons profondes à consulter le psy : le désarroi, toutes les pathologies, les pulsions suicidaires, la difficulté à s’aimer, etc. Certes, le progrès de la prise en charge psychologique est une grande avancée, mais elle doit refuser de se subsituer à l’éducation, à l’autorité au bon sens. Vivre avec le manque, c’est vivre avec le réel.

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