Le pédophile ou le trou dans l’âme

Publié dans Le Progrès social n°2629 du 08/09/2007

Depuis la nuit des temps la pédophilie est un comportement connu. Dans la mythologie européenne les figures de l’ogre et de croquemitaine, dévoreurs d’enfants soulignent l’absence d’interdit d’une époque ou sa transgression acceptée. L’imposition de la sexualité est une conduite très archaïque que les effets de la civilisation ont estompé.

De temps à autre, les médias dévoilent des affaires de pédophilie à sensation aussi différentes les unes des autres : séquestration durant des années, rapt dans les jardins publics ou sur la chaussée, viols et meurtres à répétition dont les victimes sont des enfants. La Guadeloupe échappe encore à l’horreur et au spectaculaire, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de pédophiles dans ses régions.

Qu’est-ce que la pédophilie ? C’est l’attirance sexuelle d’un adulte pour un enfant. Elle peut être intra ou extra familiale. Un père incestueux est un pédophile ; un grand-père aussi. Les pédophiles se divisent en plusieurs catégories :

  • Ceux qui ne passent pas à l’acte parce que le regard des autres, la critique et le blâme de l’environnement servent de contenant. Ils visualisent des films pornographiques dans lesquels jouent des enfants et se masturbent en les regardant. Dans certains pays, les nus de bébé sont suspects de commercialisation et les laboratoires de développement peuvent le signaler à la police. L’absence de passage à l’acte ne gomme pas le besoin d’être dans la proximité des enfants, de s’en remplir les yeux jusqu’au gavage. Certains petits corps deviennent une obsession ; ils ne peuvent s’arrêter d’y penser.
  • Ceux qui pratiquent des attouchements, mine de rien, asseyant l’enfant sur leur sexe ou posant un baiser sur ses lèvres. L’air innocent, lui triturant les fesses : «  j’adore jouer avec les enfants. » Toujours à leur offrir des friandises pour s’attirer la sympathie. Ces attouchements sont des passages à l’acte sans pénétration ou forçage. Dénoncés ils nient l’évidence. Les enfants de la famille, des amis et des autres en apprentissage sportif ou musical sont des proies qu’ils manipulent en permanence.
  • Ceux qui passent à l’acte en séduisant ces enfants en quête d’affection et de représentation parentale. Sans agressivité, ils les hissent au niveau de l’adulte disant leur faire « du bien et leur donnant du plaisir. »
  • Ceux qui violent en menaçant, agissant sur la terreur des enfants persuadés que l’agresseur mettra ses menaces à exécution : tuer la mère ou une sœur.

Il n’y a pas de portrait/type du pédophile. Physiquement il ressemble à Monsieur tout le monde. Occupant la plupart du temps un emploi, marié  père de famille ou célibataire, il a une vie sociale acceptable. Il ne correspond pas au schéma de l’introverti inhibé, solitaire au regard inquiétant. C’est un homme ordinaire dont le fonctionnement mental est perturbé. Il présente une caractéristique : celle de ne pas supporter les poils. La demande de rasage du pubis à son épouse n’est pas une fantaisie ; elle est une condition de lui faire l’amour en pensant à l’impubère. Le bon père de famille estimé, non incestueux ira chercher sa victime hors le champ familial, ne touchant ni à sa fille ni à son garçon

On ne naît pas pédophile : on le devient. En grande majorité, le sujet pédophile rentre dans la classification des pervers. Son organisation génitale dépend de son histoire personnelle. A la puberté s’opère une fixation à un stade et à un type de choix d’objet ( l’enfant) dont il reste attaché à certains caractères. Il a des difficultés à poursuivre d’autres choix d’activités sexuelles. L’important est  comprendre ce qui n’a pas fonctionné aux différents moments de l’évolution de sa pensée, ce qui dans son histoire a été à l’origine de la perversion. Une agression sexuelle subie à cette période de vie, une fixation à ce trauma, n’expliquent pas complètement la compulsion à la répétition. Les chiffres montrent que seuls 25% des sujets agressés sexuellement agressent à leur tour.

La rumeur du gène pédophilique est une affirmation justifiant un gommage des responsabilités mais aussi une impossibilité de soins pour l’individu fiché dans le groupe de prédateurs instinctuels. Comme les espèces qui tuent pour se nourrir. Cette rumeur tend à éviter la situation conflictuelle génératrice de tensions et trouver par le symptôme une réduction de celle-ci. C’est une fuite en avant. La formidable erreur de l’affirmation du chromosome surnuméraire facilitateur de la psychose( maladie mentale la plus grave) ne suffit pas. Voila que le soupçon du gène chez le pédophile va le mettre hors d’état de nuire en l’enfermant(à vie ?)

Une vraie question se pose. Pourquoi le dispositif de soins à l’intérieur de la prison n’est pas mis en place alors qu’il est notifié dans une loi concernant les auteurs d’agression sexuelle ? Cette dernière  prévoit l’agencement d’un certain nombre de soignants ( psychiatres, psychologues, médecins coordonnateur et référents) intervenants pendant la durée de la détention. L’inexistence de cette prise en charge en Guadeloupe, rare en France, est due à la pénurie de spécialistes. Mais la création de poste non efficiente n’est qu’une partie immergée de l’iceberg. Faudrait-il encore susciter un intérêt, afin que les étudiants se dirigent vers ces spécialités si mal payées. L’attrait devrait être proportionnel au besoin grandissant. La rechute dénommée récidive en droit pénal  intervient plus souvent quand le sujet n’est pas suivi sur le plan psychiatrique ou psychothérapique. L’obligation de soins à la sortie de prison n’est pas toujours satisfaisante par défaut d’une véritable liaison justice/psychiatrie. L’idéal serait un travail connexe en réseau sur un mode original puisque l’obligation contient cette originalité d’imposer à un sujet un traitement qu’il n’a pas demandé ou désiré. Il n’a qu’une alternative : le suivi ou le retour en prison. La difficulté est centrale pour l’obtention de résultas probants. Les propositions pas nouvelles de la castration chimique volontaire, du bracelet électronique se déclenchant à l’approche des écoles, ne sont pas des solutions miracle. A comparer la rapidité du passage à l’acte et la lenteur administrative, ce bracelet ne sert qu’à donner bonne conscience à tout le monde. La castration chimique est vite abolie avec le viagra et le cialis en vente libre sur internet. L’annonce d’une création d’un hôpital spécial à Lyon en 2009 internant les pédophiles jusqu’à l’assurance d’une guérison totale, procède d’une volonté de réassurance de la population. Le trou dans l’âme se soigne. Et c’est ce dont souffrent les sujets. Qui ira affirmer que celui-ci peut sortir sans danger pour les enfants après 20 ans de soins sans attachement au thérapeute ? Qui ira affirmer que cet autre doit rester encore dix ans de plus ? L’homme atteint de pédophilie adhère au traitement quand il est librement consenti. Il peut dire sa crainte d’une rechute en toute confiance quand des chevaux galopants lui martèle la poitrine à la vue d’un enfant, fille ou garçon. Apprendre à analyser sa culpabilité et à maîtriser ses pensées. Enfermé à vie, comment le pourra t-il ?

La solution appropriée serait d’abord la réponse pénale mettant en exergue la responsabilité du sujet, suivie de la prise en charge psychothérapique en prison et la continuité du traitement à la sortie. La violence sexuelle est insupportable pour un petit en début de vie. Le meilleur moyen de l’éviter est de concentrer les efforts sur la prévention de la pédophilie.

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