Les violences faites aux femmes

Publié dans Le Progrès social n°2652 du 01/12/2007

Les violences faites aux femmes ne sont ni actuelles, ni plus nombreuses. Elles sont aujourd’hui comptabilisées : en Europe toutes les trois minutes une femme meurt sous les coups de son ami ou de son conjoint.  Longtemps la famille a abrité des souffrances silencieuses : les corps de femmes pliés sous la brutalité des agressions des hommes. La femme se taisait par honte, par pudeur aussi, à la merci d’un mari jaloux ou alcoolique souvent. Ce qui a changé, c’est qu’elle ose en parler maintenant ; parce que d’une part son indépendance financière le lui permet, d’autre part parce qu’elle revendique un statut social égal à celui du masculin.

La représentation  de la femme battue s’est transformée de ce fait. De victime elle est devenue consentante, éprouvant de la jouissance partagée à travers la violence. Les femmes l’accusent de se plaindre pour se plaindre sans mettre en route une dynamique de changement, les hommes affirment qu’il faut la battre sans en préciser la raison. La voilà montrée du doigt sans que désormais l’opprobre ne soit jeté sur le comportement de l’homme. Que faut-il comprendre de son attachement à une relation qui la blesse, au propre comme au figuré, qui a des répercussions sur le psychisme des enfants, et dont les conséquences ont des retentissements sur sa santé mentale ?

« La première fois qu’il m’a giflé je suis restée ébahie, stupéfiée. L’excuse est venue immédiatement ; il a pleuré. J’ai pardonné. La deuxième fois je me suis défendue. Nous sommes allés aux urgences. Moi avec un nez cassé, lui avec une fracture du doigt. » La violence/agression autorise les deux partenaires à se maintenir à un niveau identique. La riposte crée une situation égalitaire. La femme battue se défend quand bien même le rapport de force est en déséquilibre. Son estime de soi n’est pas aussi altérée que dans le cas de la violence /punition. Cette violence/punition chosifie davantage. Aucune parade n’est trouvée face à ces coups qui pleuvent sur une victime incapable de fuir. L’emprise est totale et la volonté de domination du masculin est évidente. Le besoin de modeler cette femme selon sa conception de la compagne idéale, l’assujettit à son bon vouloir. La pensée unique est à l’œuvre dans tous leurs rapports. A la longue, la perte de l’identité générée par le modelage permanent empêche la formulation du moindre désir. Quand elle se rend compte que malgré l’abolition de sa personne, l’agression perdure, elle est anéantie. Ce système enferme dans un enclos deux êtres qui ne peuvent communiquer que de cette manière. A telle enseigne que longtemps rien ne filtre à l’extérieur de cette violence. La femme justifie ses marques par des maladresses domestiques : la marche d’escalier à hauteur de la gorge, l’angle de la table à la rencontre du bras. Rares ici sont les yeux au beurre noir comme en Europe. Mais les lèvres fendues sont visibles : une chute face contre terre. L’agresseur n’a aucune pitié pour ce corps mortifié. Il tape dans ces zones sensibilisées au préalable. Les atteintes physiques n’arrivent pas d’emblée. Un rituel de déstabilisation enclenche le processus.

  • Le dénigrement en privé ou en public dévalorise toute parole dite ou toute action entreprise. De rabaissement en humiliations, l’effort pour amoindrir la résistance commence. Fait suite :
  • La violence verbale : insultes, vociférations, ordres réitérés. Enfin :
  • Les violences physiques parfois jusqu’à l’assassinat.

La violence psychologique est souvent plus marquante que les atteintes corporelles. Violence financière qui ravale au stade de mendiante ou de prostituée : certaines négocient la rencontre des corps. Violences sexuelles : viols répétés qui détruisent la conscience de soi. La femme disparaît derrière la soumission.

Comment vivre avec un homme violent ? C’est la fascination du début de la relation qui installe le déni de ce comportement. Le prince charmant ne saurait se muer en monstre surtout que la réconciliation est semblable à une lune de miel. « la witounel si bel ! » Les attentions, les cadeaux en cette période d’accalmie relèguent aux oubliettes les vexations et les coups. La femme n’associe pas ces attitudes à un cycle qui se décompose en trois étapes.

  • La montée de la tension qu’elle soit de son fait ou non,
  • L’explosion
  • La lune de miel.

De plus en plus rapprochées, de plus en plus graves, les agressions font éclater le territoire de celle qui ne tente rien pour se protéger. Elle a du mal à repérer la survenue de la tension, à l’évaluer, en s’effaçant afin de ne pas en permettre la surenchère. Sortir de la pièce ou de la maison est un moyen de calmer momentanément l’autre. Aller à la recherche d’une personne ressource à des fins d’intervention auprès du coléreux, est une stratégie qui donne des résultats immédiats, mais qui ne résout pas le problème. La conduite à tenir sans hésiter consiste en une visite médicale suivie d’une plainte au commissariat de police dotée d’un certificat. La raréfaction de cette procédure s’inscrit dans un besoin de protection de l’agresseur vers qui se dirige la pensée d’un pardon et la croyance d’une cessation d’une telle attitude. Quelques-unes agitent le certificat médical comme une menace et réserve le dépôt de la plainte pour une fois prochaine. Toutes espèrent la fin de la violence et son repentir. L’aveu du doute de soi, de la crainte de ne pouvoir assumer les enfants seule, d’aimer encore celui qu’elle considère comme un bourreau, dissimulent la faiblesse de l’estime de soi. Lui aussi doute de lui-même. Ce besoin de domination voile l’appréhension d’être dominé. Son estime de soi est au niveau zéro. La grande rigidité du caractère masque la peur ressentie face à l’être femme. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas être respecté. Le phénomène de répétition du couple parental n’est pas suffisamment significatif pour expliquer cette violence. Les enfants témoins des agressions parentales sont pour la plupart malmenés par l’anxiété et les éclats de voix provoquent des réactions telles des accélérations cardiaques, des sueurs, des tremblements nerveux. Le mode de résolution des conflits par ce biais n’est pas systématique pour les victimes d’agression paternelle ou maternelle. Les parents alcooliques terrorisent la maisonnée. Si la progéniture ne se sauve pas, les coups ne l’épargnent pas.

Quelques personnes ne peuvent évoluer que dans le conflit. Au réveil, les ingrédients sont mis en place pour mettre le feu aux poudres. L’observation du processus et son désamorçage préserve la sérénité de chacun. Les couples maudits vivent en permanence des situations de drame. Leur type de fonctionnement reste celui des séparations et des retrouvailles selon la devise : ni avec toi, ni sans toi.

La violence est une interaction entre deux personnes, conditionnée par la réunion de leur problématique. La volonté de sortir de son cycle infernal dépend de la décision de l’un et de l’autre. Un service de médiation à la disposition des requérants et relevant du tribunal, aide à entreprendre une conciliation utile au respect de la famille. L’échec de la réconciliation n’exempte pas de ce service. Il peut aussi aplanir les divorces agités et mal acceptés. Le groupe de paroles débouche sur la compréhension de la mise en acte de la violence. Ecouter ses homologues, réfléchir à sa propre situation en compagnie des autres, change les perspectives d’avenir. La thérapie de couple ou la psychothérapie individuelle sont nécessaires à la restauration de l’estime de soi.

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