L’impact de la pandémie sur la population

 

Le premier confinement de 2020 avait énoncé des règles strictes de maintien des corps entre les murs des logements. Cette période a généré des troubles psychologiques, décuplé ceux qui sommeillaient, accentué les violences intra familiales, augmenté la paupérisation des classes sociales défavorisées en attente des jours meilleurs. Cette pandémie a bousculé les modes de vie, les habitudes, les projets d’avenir, créant des scissions dans tous les compartiments de la vie sociale, psychique, familiale, sentimentale. Ses incidences sont des réalités qui s’aperçoivent à travers :

La peur qui s’est installée de façon massive à un niveau véritablement alarmant. Elle s’est infiltrée dans les imaginaires par une lente progression sans que nul ne puisse se prémunir de ses effets délétères. Lisible quand elle s’exprime librement, elle est difficile à déceler dans les comportements inadaptés. Toutes les tranches d’âge en subissent les conséquences. Peur de la contamination, peur de la souffrance, plus que peur de la mort, elle perturbe les nuits, interdit de jouir des moments de plaisir, campe une attitude de méfiance envers les autres, porteurs potentiels du virus. Son accélération, en réaction à la panique du ministre de la Santé face à la déferlante de la vague omicron, a dirigé les corps vers les lieux de tests, dont la gratuité a été prolongée jusqu’au 15 février par une décision préfectorale bienveillante.

Et voilà le retour de la ruée des scientifiques sur les médias en France. Recommencent les contradictions : contagiosité, dangerosité, les lits d’hospitalisation en passe de remplissage pour un variant inoffensif. Personne n’y comprend rien. Les informations sur le nombre de tests enregistré par l’assurance maladie disent une chose simple, limpide. Puisque les non-vaccinés ne bénéficient pas en France depuis le 15 octobre d’accès à la gratuité du PCR ou de l’antigénique au coût élevé, ceux qui à travers le taux d’incidence dévoilent la flambée de l’épidémie, sont les vaccinés. Personne n’y comprend toujours rien. La crainte de l’obligation de la 4ème dose taraude les esprits chagrins sans connaissance du taux d’abaissement de leur immunité. La loi concernant le pass vaccinal est soumise au vote du Sénat. Une nouvelle problématique se fait jour, un nouveau dilemme aussi.

Le stress de plus en plus grandissant avec l’arrivée des variants sans éléments de compréhension, a donné naissance à des sentiments de vulnérabilité qui par ricochet érigent des conduites ordaliques chez les jeunes : se mettre en danger pour éprouver l’assurance d’être protéger par une entité supérieure. Chez les plus âgés, les troubles somatoformes : perte du système pileux, irritabilité, cauchemars, manque de concentration et une liste à n’en pas finir de maux, sont au fil des mois, difficiles à vivre.

La désespérance due à l’insécurité financière de personnes suspendues alimentant la perte d’estime de soi mêlée au sentiment d’inutilité, s’ajoute au deuil impossible à faire des morts passés de vie à trépas sans rituels, sans dernière caresse, dont le souvenir est devenu hantise. La pandémie révèle des formes inédites de cruauté. L’exclusion plonge la victime dans un état de stupeur émotionnelle ; sorte de neutralité psychique, elle participe à une déconstruction cognitive dont les signes sont une perception allongée du temps, favorisant l’ennui, une absence de projection dans le futur, une perte de sens menant parfois au désespoir. La tristesse généralisée de la population se lit dans les regards. Chacun a dans son environnement une personne dont la perte d’emploi se raconte de bouche à oreille.

L’impossible dialogue au sein des familles qui ne partagent pas la même approche de la vaccination, des amitiés qui instaurent une distance par le silence, des discussions qui s’interdisent la voie de la neutralité, l’édification des donneurs de leçons, ont réussi à établir une ère du soupçon au niveau des groupes apparemment, bien structurés, dont les liens étaient saturés d’affection. Le monde scindé en deux, participe à la surenchère d’un climat anxiogène auquel on ne peut échapper, vu le pass sanitaire et les limites imposées par la mer.

L’injustice relative à l’absence de règles sanitaires s’agissant de lieux de cluster déclaré, et la mise en danger des travailleurs du club méditerranée sans exigence d’arrêts, alors que l’ARS est informé de la contamination, devient étonnement. Les mesures ne doivent pas être les mêmes selon les enjeux. Faire passer l’économique avant l’humain, procède à des choix qui en disent long sur l’indifférence de la protection des enfants des employés de cet espace touristique. Nul n’ignore le poids du gouvernail économique de l’île qui prédit la levée du couvre-feu quarante-huit heures avant l’annonce officielle, grâce à une publicité de rallonge du temps d’ouverture d’un hyper marché. Les gens observent, ils réfléchissent, ils comprennent, ils s’indignent, ils notent les attitudes et les exigences ségrégationnistes. Quand viendra, peut-être, l’exhalation de l’injuste, quelques-uns sortiront la tête sous l’oreiller, pour juger, condamner, fustiger les impudents nég mawon. Doit-on oublier que la crise sanitaire, a autorisé la résurgence des revendications d’une crise sociale aux solutions jamais abouties ?

La colère, parce qu’elle est émotion, est mise dans ce développement de l’impact psychologique de la pandémie pour deux raisons. La première est celle des manifestants pacifiques qui reçoivent du gaz en plein visage sur ordonnance légale avec une arrestation et une mise en garde à vue. La légalisation de la violence est admise et ne donne lieu à aucune protestation, comme celle suscitée par la prise du bâtiment de la Région condamnée par des voix à la mémoire courte. La seconde est la séquestration du directeur général du Chu de Pointe-à-Pitre par les syndicalistes, récusée par un rassemblement devant le Macte (mémorial acte, symbole bien choisi) sous la bannière d’une non-violence affichée. Colère et réactions. Il y a-t-il une curiosité à se poser les questions des raisons de la colère émanant des revendications de ce qui est bon pour son corps et ne reconnaître à personne le loisir d’en disposer à sa guise ? Les droits de l’homme affirment que : « Les hommes naissent libres… » Mais que reste-t-il donc des anciens défenseurs de la liberté ? Ceux prêts à mettre en danger leur vie et celle des autres pour des idées et des convictions ? S’agissait-il en ce temps là d’un besoin de reconnaissance, d’un rêve de puissance et de pouvoir ? La Guadeloupe se souvient. Sa colère et sa déception sont à la hauteur de son effarement.

La séquestration est une pratique utilisée plus en France qu’ici, quand un blocage met les deux parties dans une situation d’échec, l’une faisant porter la responsabilité à l’autre. Les chefs d’entreprise, les dirigeants de grands groupes, sont sujets à ce type de démonstration de force. Cette forme de revendication pourrait s’expliquer par la fatigue des jours accumulés de non-repos, par l’irritabilité face à des portes fermées. L’idylle avec le directeur général avait pourtant bien commencé. Le CHU tout entier disait la fierté de l’avoir, lui, à ce poste. Pourquoi ce revirement ? Contrairement à son homologue à la Martinique, il n’avait pas insisté sur le fait de maintenir le personnel non-vacciné en poste, alors qu’il l’avait déclaré en première instance comme n’ayant pas le choix. Après le vent a tourné. C’est peut-être un des éléments du désamour, mais il y en a certainement plusieurs. Enfermer son séquestre dans une spirale de couleur de peau c’est réduire tout conflit à un stade ethnique, et ne point tenir compte de l’attaque d’une représentation de la fonction occupée. Le directeur de l’hôpital de Martinique a regagné la France.

Le mépris du ministre des Outre-Mer a été ressenti comme un outrage insurmontable autant que celui des élus guadeloupéens qui ont une première fois écouté les besoins et les revendications. La défection du représentant de l’Etat, lors d’un second rendez-vous, a tenu en position verticale leurs corps quelques minutes avant de franchir la porte de sortie, laissant en tête à tête le collectif habitué à marcher ensemble et à débattre. Le mépris est un sentiment très mal toléré dans la culture : il signe d’une part l’indifférence donc la mise à mort de l’autre, d’autre part son ravalement à un stade de moins que rien. L’insulte/mépris écorche la sensibilité dans la désignation d’ignorant, d’ignare, tous les autres, contre une idéologie prônée. L’expert qui parle de l’estime de soi a surement ressenti un tremblé intérieur en entendant un tel discours. Le temps est à la banalisation des grossièretés ; elles fusent de partout au risque d’être entendues par les enfants et répétées. La rentrée dans un monde exacerbé justifie ou non la vulgarité, c’est un débat à instaurer.

Le coronavirus est le révélateur de la nature humaine. Face à un danger qui menace, l’imaginaire oriente les postures en matière d’investissement de soi et de l’autre, mettant en relief un équilibre imparfait, où, manque, rejet, peur, doute s’entremêlent autour du désir omniprésent, dans un élargissement de soi ou de son refus.

Fait à Saint-Claude le 9 janvier 2022

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