Les alertes alimentaires

Publié dans Le Progrès social n° 2565 du 03/06/2006

Les spécialistes de la santé ne cessent de mettre l’accent sur l’importance de la nourriture et de sa qualité qui permettent de se bien porter et sont les garants d’une bonne hygiène de vie. Trop riche, trop sucrée, trop salée, elle devient nocive allant jusqu’à altérer l’équilibre physiologique et l’allure physique : l’obésité et le surpoids déforment la silhouette. L

es critères d’excellence désignent les produits bio comme supérieurs aux autres parce qu’ils sont cultivés sur des sols spéciaux sans poison ajouté. A la portée d’un petit nombre, vu leurs prix, ils sont limités à la présentation manufacturée. Aucun hypermarché ne propose de la viande et du poisson frais bio, ni de fruits de mer bio non plus.

A moins d’être végétarien ou végétalien, l’offre de consommation oblige la majorité de la population à absorber l’indispensable manger quotidien avec nécessité de la varier pour le goût et l’appétit. Se mettre à table implique un rituel presque communiel. Les sens, tous les sens sont sollicités ; l’odorat d’abord, puis la vue, le goût, même l’ouïe et le toucher. La dégustation est plaisir et sérénité. L’estomac, un des sièges de l’émotion acquiesce à la détente. Il se contracte sous les assauts du déplaisir, se perfore en ulcère quand les contrariétés l’assaillent.

La pause du repas est un moment privilégié en solitaire ou accompagné. Le comblement d’aise ne gomme pas la fonction psychologique de réassurance due au manque et au vide affectif.

Aujourd’hui, l’alimentation est à risques. La vache folle pendant des années a interdit au congélateur et au faitout de la recevoir. La guerre d’influence entre les pays d’Europe, pour ou contre l’abattage des cheptels, n’empêche pas de regarder avec suspicion les rares zébus maigres et beuglant jour et nuit sur le sol de la Guadeloupe, à l’affût d’un signe de la maladie.

La rumeur a entretenu quelques semaines un cas dans l’île de Saint-Martin. Cette même rumeur disait que des boucheries locales débitaient du bœuf européen assurant qu’il était 100% communal, broutant l’herbe et les acacias des terrains non construits des lotissements même chics. Les promotions, l’affichage de l’origine n’avaient pas changé la méfiance des ménagères jusqu’au jour du constat de voisins en bonne santé et mangeurs de bœuf. Surmontant le dégoût du mal caché dans les tranches et le rôti, le bœuf a recommencé à partager l’espace culinaire avec le porc et le poulet. Ce dernier à son tour, nourri d’huile de vidange de moteur, stressé par l’entassement de ses congénères dans le poulailler de masse, ne posant jamais les pieds sur le sol, sauf pour celui élevé en plein air pour le label qualité, a fini par attrapé la grippe.

La grippe aviaire mortelle, a déclenché le système d’abattage à grande échelle, et s’étend aux humains selon une trajectoire anarchique de l’Asie à l’Europe, dont la seule prévention reste l’enfermement des poulets. Pas de poules dans le vent ! Ici une ferme a disparu de la production pour cause de salmonelle, une seconde a failli subir le même sort pour une raison mal définie.

Le poisson est plus digeste, plus facilement assimilable par l’organisme. Dans l’assiette il prend belle allure aidée en cela par la cuisine nouvelle, raffinée, prometteuse de salivation intense. Cependant, il vient juste de sortir de l’accusation de ciguaterra mauvaise pour les gencives, les os et le cerveau.

Pêché sur des bancs de cuivre, il se venge sur l’humain, le maintenant au lit vomissant, le cheveu raréfié après des jours d’intoxication, les jambes paralysées. Bécune et babiande ont cette mauvaise réputation. Les huîtres, les moules et les coques sont de temps en temps mis au banc des accusés.

Les produits alimentaires n’ont plus de frontières, ils traversent les mers et les airs vers des destinations lointaines, modifiant parfois les modes culinaires et les types de cuisson. On trouve avec les systèmes de congélation des aliments du Monde à des prix défiant toute concurrence, au  bénéfice du panier de la ménagère. L’acclimatation du conche a entamé le monopole du lambi, les pois d’angole du Pérou permettent après saison des chanters noël d’en prolonger encore le goût.

Le slogan «  Manger local » revient comme une litanie.

L’analyse des comportements de consommation montre que le marché est fréquenté en majorité par les plus de 50 ans avec un pic pour les 65 ans et plus. Ils trouvent que les carottes, les tomates et le cresson ont le goût rattaché à leur appellation. Il serait illusoire de les croire à l’abri d’une alimentation malsaine car l’annonce publique de la présence de pesticide dans le sang de la population certifie la pollution du sol. Les racines : ignames, patates douces, madères (ô ciel), le manioc etc….en sont les responsables.

Le sol ne s’est pas infecté tout seul. Les pesticides prohibés en Europe ont été vendus, achetés, utilisés. La pensée paranoïaque (persécutrice) affirmerait qu’une volonté délibérée de nuire était cachée dans cet acte de malveillance.

Au nom de quelle économie de bouts de chandelles s’autorise t-on à mettre en péril la santé de 450 000 personnes ? Au nom de quoi souligne t-on des choses aussi graves sans en dénoncer les coupables ? Les pesticides se transmettent de génération en génération sans jamais s’éliminer ( cf Progrès Social : « Déchets et autres nuisances » du 18 mars 2006  N° 2554.

Comment ne pas être alarmiste quand l’exemple de Tchernobyl d’une génération l’autre se continue sous nos yeux ? Une petite quantité pas suffisante pour représenter un réel danger ! Ceux qui le disent connaissent-ils la norme ? Que veulent-ils faire passer comme message ? L’obligation de se nourrir n’implique pas de creuser sa tombe avec ses dents.

L’absorption volontaire de substances nocives implique l’individu et n’a pas la même signification qu’une catastrophe agricole, qui ne se nomme pas, dont les prélèvements du sol bien aperçus des yeux derrière les rideaux, portent le doute sur une région sans que les résultats ne soient publiés. Une nuance corrective apportée par un scientifique sanctifie l’aliment des arbres dont la hauteur sauve des pesticides non grimpeurs. Se nourrir d’agrumes, de fruits à pain et de poyos est-ce suffisant à l’équilibre alimentaire ?

Et comme si l’appétit devait être mis à mal, voila que la fièvre aphteuse vient s’emparer de nos imaginaires. Les poules, les cochons, les lapins, les cabris (les chiens ?)  sont suspects de maladie. Un éleveur est isolé avec ses tourments, l’abattage menace son capital. Court-il à la ruine ? Ouf sauvé ! Les analyses vétérinaires lèvent le doute, il respire ; pas une certaine partie de la population habitée par la colère, la honte face à l’évidence de l’incompétence et des paroles jetées en pâture comme des scoops sans se soucier des répercussions sur les comportements. Avoir envie de se demander à qui profite le crime, serait-ce aller trop loin ?

A faire l’inventaire des aliments locaux consommables sans danger, la liste ne semble pas longue à en croire les déclarations lapidaires. Reste à s’adapter à cette nourriture d’importation débordant des bacs immenses de congélation ? Certainement pas pour ceux soucieux de la valorisation du marché guadeloupéen, de l’infime économie régionale permettant la survie des agriculteurs et de pêcheurs. Qu’ont-ils comme choix ? Une augmentation du risque en consommant local ? Une alternance de consommation afin d’en limiter les effets ? Lors d’un passage dans l’île, une députée écologiste avait suggéré qu’on porte plainte pour empoisonnement généralisé. C’était sans compter sur la passivité des personnes acceptant tout comme une fatalité.

Aujourd’hui, inviter ses amis à sa table est comme avoir un désir de destruction inconscient envers eux, il faudrait mieux y convier ses ennemis. Bon appétit !

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