Publié dans Le Progrès social n°2590 du 02/12/2006
Si aujourd’hui nous en sommes à parler du respect, c’est qu’il y a une prise de conscience de l’intérêt commun à mieux vivre ensemble. Une société évoluée ne peut se passer de règles établies pour tous et devant être utilisées par tous. Malheureusement les différences sociales, économiques, intellectuelles impliquent que des styles de vie divergents créent des tensions, des incompréhensions et mettent en péril le mieux vivre.
Le respect est un sentiment complexe qui se trouve à la base de toute expérience de confrontation avec l’autre ou les autres. Ce rapport à l’autre oblige à une introspection intérieure par cette nécessité à s’observer, se regarder et à analyser dans un non dit ce qui se passe. La présence attendue ou inattendue influence le comportement ; elle fait naître des émotions qui instaurent une relation de méfiance ou d’empathie en érigeant une distance ou une proximité. Le corps de l’autre n’est jamais indifférence, car il oblige à prendre conscience de cette capacité de dire ou de faire de chacun. Mais le respect n’est pas uniquement un sentiment, il est une attitude envers autrui et les choses tenant compte des règles permises par la société. Ces chose obligées limitent la liberté de dire et de faire n’importe quoi ; ce qui signifie que le respect se base sur la morale. Le respect est un pacte en quelque sorte dans lequel s’inscrit le désir transformable en bienveillance si on estime que l’autre peut être considéré comme un autre soi-même. Cette reconnaissance lui accorde la même valeur qu’on voudrait qu’il nous accorde. Dans cette optique, le respect envers autrui est avant tout le respect de soi.
Les trois principales formes de respect sont :
- Le respect de l’autre
- Le respect de la loi et des institutions
- Le respect de l’environnement.
Toute personne dispose d’une capacité à juger ce qui est bon et ce qui est mauvais grâce au principe moral dont les fondements se trouvent dans les valeurs religieuses. Cela ne veut pas dire que l’homme areligieux ne saurait prétendre à une grande moralité puisque ce principe est inculqué dès la prime enfance ne serait-ce qu’à l’école. Cependant le « sans foi ni loi » met l’accent sur l’absence de la crainte de Dieu qui chez le croyant limite les mauvaises actions. Le principe moral suppose l’existence d’une loi qui vaut pour tous et par tous les temps. Ce principe découle d’une volonté individuelle qui comprend un impératif incluant une obligation ou un devoir. Par exemple la prise en charge de parents âgés : les enfants vont-ils s’occuper de leurs géniteurs parce qu’une loi écrite donne à la justice la possibilité de rechercher les descendants directs et de prélever d’office sur leur salaire une somme divisée par le nombre d’enfants afin de payer la maison de retraite combien même le parent n’aurait pas accompli ses devoirs d’éducation, vont-ils le faire parce que c’est un devoir et qu’ils seraient disqualifiés aux yeux des autres « avec un salaire si important laisser ses vieux dans cet état ! », vont-ils enfin le faire par amour filial ? Le devoir devrait être accompli de bon gré ou être animé de bonnes intentions ; il relèverait alors du registre de l’idéal. A bien y regarder, est-on vraiment libre de ses actions, et à quoi tient cette volonté de choix autre que celle que renvoie la conscience pétrie de valeurs morales ? Ce questionnement du devoir basé uniquement sur la loi morale ou de son accomplissement par obéissance à la loi aborde la fonction du respect dans la problématique de la morale. Le respect est un acte libre du sujet à l’égard de la loi objective : une loi reconnue par tous. Si la reconnaissance de cette loi détermine la volonté d’action, il est évident que la soumission est effective et génère parfois de la douleur, une humiliation caractérisée de la défaite par abandon d’une toute-puissance. Ce passage du renoncement à la transformation est une victoire de la pensée donnant accès à l’autonomie..
Le premier devoir de l’homme est le devoir envers lui-même parce que c’est en lui qu’il découvre l’humanité. Ce devoir envers lui-même c’est l’estime de soi en tant que nature morale, en tant que personne. Si ce principe n’est pas réalisable, le vivre ensemble n’est pas objectivable car le respect envers soi constitue la base du respect envers autrui. Un devoir primordial est le respect du droit des autres. La rencontre, la relation avec l’autre, sa présence même distante fait rentrer dans la sphère du droit. L’existence des devoirs de bienveillance ou de bonté ne répondent pas aux critères d’obligation ; ils sont altruistes : par exemple l’aide humanitaire, les dons à des œuvres, il n’éclipse pas les devoirs constituant un dû qui prennent leur source dans le droit de l’autre, le droit étant celui d’être reconnu comme personne. Le respect de la personne humaine, sociale, affective, culturelle ne semble pas une évidence pour celui qui prône la liberté d’agir ou de dire sous prétexte d’être dans une démocratie. La liberté a des règles donc des limites, elle est le contraire du libre-arbitre auquel il faut attribuer un zéro de tolérance. Les possibilités de faire ou de dire ne doivent pas être conditionnées par un diktat que fait peser un petit groupe sur d’aucuns émettant une opinion sans dénigrement et instaurant un débat contradictoire. La liberté doit rester cependant synonyme de tolérance.
La vie quotidienne est remplie de ces petits riens irrespectueux qui empoisonnent la vie des autres jusqu’à induire des conflits de voisinage : le bruit ( éclats de voix, musique tonitruante, pétarade de moteur), les crottes de chien devant la porte de ceux qui n’en ont pas, les bovins et les caprins attachés dans les lotissements et beuglant la nuit, les voitures garées n’importe où, les déchets sur la voie publique, entraînent des désagréments. Les personnes sensibles les vivent comme des agressions surtout quand elles n’ont pas la possibilité de déménager. D’autre part, l’insécurité naît de petites infractions répétées : tags, graffitis, dégradation de véhicule, conduites dangereuses au volant, agressions verbales, dégradation des édifices publics, exhibition de chiens d’attaque. Ces phénomènes ont parfois des conséquences graves pour les personnes âgées et les enfants. Les incivilités sont des actes irrespectueux prohibés par la société. La notion étendue d’égalité entre les humains a aboli la distance respectueuse entre certaines catégories : les hommes politiques, les enseignants, les prêtres, les supérieurs hiérarchiques, les parents au point qu’ils sont invectivés publiquement, insultés et frappés quelquefois. La disparition des valeurs morales, l’effondrement des principes d’humanité, les défauts d’éducation, l’éclatement de la famille favorisent ces comportements. Une autre forme de respect sur lequel les écologistes insistent, c’est le respect de l’environnement. La réalité internationale de la pollution généralisée commence à avoir des incidences sur la santé de l’humain. A une échelle moindre, la contamination des aliments par le sol pollué, la non-conformité des décharges, l’écoulement de polluants dans les rivières posent des problèmes immédiats.
Le respect se transmet par le biais de l’éducation. Les parents font passer des messages, posent des interdits, apprennent à reconnaître le bien du mal aux enfants : c’est l’apprentissage des normes et des règles. Il peut être acquis par l’observation. Les enfants reproduisent ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent à l’intérieur de leur groupe familial. Mais la transmission du respect n’est pas mesurable parce qu’elle est tributaire des histoires de vie, de l’aptitude à imposer une autorité parentale, de la vision personnelle qu’on a du monde et de l’humain.