Beau-père

Dans notre société le beau-père a toujours eu droit de cité en regard à la configuration familiale. La famille élargie (un agglomérat de femmes sans présence masculine permanente, la grand-mère étant la figure focale de cette construction de la misère) a disparu. La pluri paternité et le contexte monoparental abritant sous le même toit des enfants aux noms de famille différents, ou parce que le géniteur n’a reconnu qu’un seul enfant sur trois issus de lui, – les temps de disputes et de fâcheries rythmant les retrouvailles – ou parce que l’interdiction de l’API (allocation parent isolé) a privé nombre de bébés du nom du père.

Après trois ans, les amours mortes ne sont pas à la recherche d’une légitimité pour la progéniture. Les caractéristiques de l’évidence de cette figure masculine dans ces deux cas cités n’apparaissent pas avec netteté, à telle enseigne que le géniteur dans son inconsistance financière était désigné par l’appellation beau-père, de manière péjorative : celui qui ne se reconnaît aucune obligation dans l’élevage et la prise en charge de l’enfant. Le père demeure dans l’imaginaire pourvoyeur financier, nourricier et protecteur.

La famille recomposée dévoile qu’un enfant sur quatre vit avec un parent autre que le sien, puisque un mariage sur deux se termine par un divorce. Dès lors, ce nouveau modèle va impulser une vision moins restrictive d’un homme aux origines diversifiées qui auront une incidence sur sa place au sein de la recomposition familiale.

Ainsi, un sujet célibataire sans enfant, désireux de cohabiter avec une femme avec enfant mais n’ayant jamais été épousé peut-il vivre à l’identique une situation que celui qui a eu une famille antérieure, père d’enfants fruits de son couple, partageant le quotidien d’une femme divorcée avec aussi des enfants ?

La réalité de deux familles décomposées, empreintes de souvenirs douloureux, souvent assumant la difficulté d’un deuil du passé aux rancunes à peine gommées demande beaucoup de tolérance et de tendresse. Les jours de garde, l’organisation des vacances, l’adaptation des enfants qui n’ont qu’un désir que leur mère et leur père vivent ensemble, la rencontre des enfants de la belle-mère et la jalousie d’avoir à partager un père magnifié par l’absence, rendent difficile la tâche du double rôle père/beau-père. Souvent l’acrimonie du petit de la nouvelle épouse, la séduction de l’aînée, imposent l’épreuve de la dysharmonie familiale.

La position du beau-père dépend de plusieurs paramètres :

  • Des conditions de la rencontre envisagée par les deux partenaires, selon des informations détenues par la mère, d’abord: le moment propice (un enfant qui vit un tourment n’est pas réceptif à la venue d’un étranger dans son univers), le lieu (cinéma ou jardin public sont à proscrire) mais le plus important est l’annonce de la fréquentation et la présentation succincte de la personne aimée de son point de vue personnel. 
  • De l’âge et du sexe des enfants : l’affirmation de soi, le sentiment de toute-puissance à l’adolescence, la rivalité aussi influenceront la primo rencontre. La facilité de l’enfance, un repas au Macdonald suivi d’un tour de manège, une histoire à dormir debout, et la magie opère surtout si l’attention est concentrée sur les désirs.
  • De la relation mère/enfant : la surprotection alimentant la dépendance et l’emprise réciproque amèneront des complications de partage du totem fantasmé. Le garçon hissé à la place de son père, se drapera d’une méfiance discriminatoire par peur de perdre ce privilège.
  • De l’investissement  du parent sublimé, de mauvais il devient bon et irremplaçable, de l’investissement à l’ancienne famille, les grands-parents non autorisés à être trahis (à un certain âge l’enfant ne saurait aimer quelqu’un mal identifié en même temps que ses environnements habituels).
  • De la souffrance des enfants par rapport à l’éclatement du couple, des blessures mal cicatrisées et le ressenti des manques, matériels et affectifs.
  • De la connaissance pour celui considéré comme intrus du syndrome d’aliénation parentale. Le syndrome d’aliénation parentale relève d’un comportement d’opposition et de résistance de l’enfant dont un parent a construit un nouveau couple. Sous l’influence de celui qui a mal vécu le divorce, il va agir par procuration, empoisonnant la vie de la famille recomposée. Son degré de méchanceté est à la dimension de la haine distillée en permanence dans les plaintes ou les accusations de la prétendue victime surtout si aucun lien ne l’a gratifié d’une réassurance narcissique.

Le rôle du beau-père

Longtemps dans un non-dit le beau-père n’était pas autorisé à partager des enfants qui n’étaient pas siens, par définition il n’était pas capable de les aimer.

La recomposition familiale lui a aménagé une vraie place : celle du remplacement de la figure masculine. Il n’est pas à proprement parlé le père absent mais il s’intègre au cadre éducatif, établissant un repère sécurisant, faisant face aux difficultés. Sa reconnaissance de parent social suppléant la mère lui accorde de prendre part à la scolarité (transport, conseil de classe, devoirs), de s’intéresser aux loisirs parfois de les accompagner, et surtout de dispenser des conseils en cas d’hésitation ou de doute d’une adolescence en proie aux questionnements.

Sa mise à l’écart du rôle éducatif le recouvre d’une toge d’inutilité, l’enferme dans une condition infantilisante donc dévalorisante. Sa présence peut comme une protection permanente servir de garde-fou quand la carence éducative ne donne aucune limite dans le besoin d’être aimé des mères, incapables de fixer des limites, ou pour échapper à la culpabilité d’une privation du père.

Un critère non négligeable est celui de l’élargissement  du cadre familial, les enfants de la femme étant acceptés par sa parentèle à lui. Les timorés, les solitaires trouvent souvent leur compte en compagnie de parents par alliance de la même tranche d’âge dotés de point de vue similaire. Des grands-parents par alliance, tolérants, complices aussi, sont des apports/refuges aux ressources multiples sauf en cas d’encombrement. Un pédopsychiatre a vu s’agglutiner la mère et le beau-père, le père et la belle-mère, les deux grands beaux parents et la grand-mère maternelle pour une consultation d’un seul enfant. Le constat d’un grand investissement affectif a rempli sa salle d’attente.

Les difficultés

Elles mettent à rude épreuve le couple. Quelques unes les plus courantes consistent à

  • Privilégier ses enfants respectifs dans le but de les protéger d’un partenaire jugé trop rigide ou trop sévère. Cette attitude est la résultante d’une culpabilité inconsciente, celle d’avoir mis fin à un couple qui était à la dérive. Des petites choses deviennent dramatiques quand une dispute éclate entre enfants et que chaque parent justifie sa progéniture victime. La différence d’âge accentue les accusations : les aînés devant être les plus raisonnables. Cohabiter devient une vraie gageure au quotidien illustré par ces mots : « Tu n’aimes que ton enfant ».
  • Recevoir de plein fouet l’hostilité d’un enfant prisonnier d’un conflit de loyauté, déchiré entre l’amour porté à son père et la lutte envers ses sentiments pour un beau-père plaisant. Il estime que c’est trahir la légitimité de la filiation. Cette hostilité prend aussi naissance dans le refus de partager la mère avec qui que ce soit, pas même avec un enfant qui naîtrait au sein du mariage récent. Des conduites caractérielles jugées en deçà de la réalité par une grand-mère maternelle en embuscade, surtout si le gendre numéro deux ne répond pas à ses attentes et à ses injonctions incessantes, cet appui intrusif vient se surajouter aux problèmes 
  • Accepter que la belle-mère ait un point de vue sur tout dans le couple, qu’elle débarque sans être invitée, qu’elle distille des suspicions et fasse des remarques en présence d’étrangers.
  • Détourner habilement, l’évidence de séduction d’une jeune fille en proie à la rivalité qui peut devenir une accusatrice du désir affiché envers elle du mari de sa mère : mensonge de dépit se vengeant de l’indifférence.
  • Eviter l’affrontement et le passage à l’acte d’un adolescent en révolte, cherchant à être confronté à un adulte afin de concrétiser sa colère envers le monde entier.
  • Accepter le rejet de sa parentèle et le mépris ouvert des enfants de sa femme augmentés d’une indifférence ou d’une attitude de défi envers ses enfants du premier lit.
  • Contourner le problème du rejet d’un enfant du couple recomposé en évitant de s’occuper uniquement de lui et parlant de « mon enfant » comme si ce dernier n’avait pas de mère. Peuvent apparaître des pensées de persécution venant de tous, et un ressenti d’agression.

Comment surmonter les obstacles ?

La place du beau-père est une place à inventer en fonction des multiples situations. La tolérance et la compréhension sont les éléments clés d’une intégration toute en douceur. Trouver sa place, cela se construit petit à petit, il faut prendre le temps de se faire accepter. Ne pas précipiter les choses, s’armer de patience. Quelques recommandations :

  • Etre attentif aux besoins des enfants
  • Surmonter l’hostilité qui varie en fonction de l’âge. Ce n’est pas avec du vinaigre que l’on attrape des mouches mais avec du sucre.
  • Ne pas forcer les sentiments ni par la flatterie, ni par le chantage. Les cadeaux doivent être donnés selon un schéma usuel, pas plus qu’il n’en faut ; autrement les effets pervers ne tarderont pas.
  • Se faire respecter
  • Exiger un respect mutuel
  • La clé de la réussite se trouve dans le soutien de sa partenaire

La partenaire

Elle a un rôle d’introduction auprès de l’enfant. La présentation d’abord par la parole, l’énoncé des droits de chacun et de leurs devoirs aussi en conseillant la communication balisent la relation dès le départ. Pour ce faire, elle doit :

  • Comprendre les difficultés qui surgissent, pas seulement les comprendre mais les évaluer
  • Eviter de blâmer l’un ou l’autre en leur présence
  • Temporiser les conflits en ne contredisant pas leurs idées
  • Se montrer solidaire de l’adulte
  • En cas de manipulation de la grand-mère maternelle prendre les décisions qui s’imposent
  • Accepter le rôle éducatif de son mari sans se sentir accusée d’être incapable d’élever son enfant
  • Mettre en place des réunions de famille de façon régulière
  • Avoir dans son environnement une personne ressource de bons conseils

Dans une volonté réelle de s’accepter et de vivre ensemble, il incombe aux adultes de faire plus d’effort que les enfants qui subissent des situations dans lesquelles on les entraîne. L’impression de toujours avoir à ne rien dire en cas de divorce, de perdre plus que de gagner, de se taire, de contenir ses sentiments et d’être obligé de faire semblant ne sont pas chose facile. Certes, la famille plurielle peut être un enrichissement à condition de conserver l’idée pour les parents d’être un modèle, en essayant de ne pas se comporter comme des adolescents égoïstes. En cas de crise, la consolidation du couple gagnerait à solliciter l’aide d’un conseiller conjugal.

Fait à Saint-Claude le 30 janvier 2019

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