Engagement de femmes

À Sylvie GENGOUL

À Mylène COLMAR

Nous sommes loin de ce temps où le droit de vote accordé aux femmes avait suscité tant de réactions négatives en Europe. Interrogées, certaines estimaient que le rôle de la femme se cantonnait à l’espace domestique. Celles-là n’envisageaient même pas que le futur s’ouvrirait sur une détermination accrue d’un engagement dans divers domaines pour beaucoup d’entre elles.

Mener de front, vie sociale, vie professionnelle, vie familiale, n’est pas chose aisée, car l’image bien ancrée dans l’inconscient est celle avant tout d’une bonne mère. Le reportage télé montrant une femme politique, encore dans une chambre d’hôpital, documents de travail en main, un nouveau-né couché dans un berceau, n’est pas passé inaperçu. « Mère préoccupée plus par ses responsabilités politiques que de cette vie naissante qui mérite de l’attention ! » ont pensé des personnes pourtant bien intentionnées.

L’évolution n’a pas totalement gommé les vives critiques à l’égard de ce féminin plein de toupet qui se doit de réussir dès lors qu’un projet est envisagé. En effet, culturellement la femme conditionnée s’est adaptée à un milieu externe et tout changement implique une modification intérieure de son être. Elle doit alors composer avec le vouloir, la culture, son environnement. Beaucoup d’énergie économisée par l’homme. L’articulation des différents éléments concilie la liberté et la contrainte, et si elle veut gagner, elle doit adopter une stratégie rationnelle en fonction de son entourage et en respecter les règles.

Est-ce si simple ? La condition première d’un engagement est la volonté. L’acte volontaire est un acte délibéré impliquant la représentation d’un objectif, il n’est pas pour autant dénué d’affectivité, et en plus il n’a de sens que dans le temps, parce que la volonté n’est pas seulement décision, elle est le programme qui l’accompagne. La volonté ne doit pas être entêtement face à l’infaisabilité d’un programme ou à sa modification. Vouloir est un projet, une résolution active et durable. L’acte volontaire se décompose en quatre parties :

  • La conception de la situation avec analyse des aléas possibles
  • La délibération où se pèse le pour et le contre en vertu des systèmes de valeur dont elle dispose
  • La décision : « Que cela soit fait »
  • L’exécution.

La volonté implique lutte, effort, conflit (avec dénouement.) Et l’acte s’il est personnel va avoir un retentissement collectif. La décision est libre parce qu’elle rencontre le pouvoir. Cependant s’il y a un pouvoir à prendre, à conserver ou à perdre, c’est que rien n’est déterminé, rien n’est joué. Pour vouloir vraiment, il faut affirmer que cela est possible et la preuve par l’action viendra après et facilement. A savoir que : projeter c’est toujours greffer l’inédit, le nouveau désir sur un itinéraire déjà constitué, d’où la nécessité de reconnaître cet itinéraire. Pour ce faire, l’analyse des parcours personnels permettra une appropriation riche en expériences constituées. Le capital « expériences » a tendance à être relégué dans une mémoire inerte, figée. Il suffit de la réactiver pour faire émerger des potentialités inexploitées, nouvelles bases de réalisation des lignes de force à créer des nouveaux projets. A partir de là, la conscience de soi va opérer un face à face avec deux éléments essentiels : la motivation et les objectifs.

La motivation

Quand tous les besoins vitaux sont satisfaits, celui d’être apprécié, estimé par les autres advient à travers les notions comme le pouvoir, la victoire la reconnaissance. Ce besoin est remplacé par un autre plus subtil : celui de l’estime de soi. La femme demande davantage à elle-même et fixe ses propres critères d’appréciation plutôt que d’utiliser ceux des autres. Apparaît alors un état psychologique gratifiant généré par l’auto-ajustement permanent, quand les besoins d’estime d’autrui et de soi sont satisfaits et quelle n’est plus poussée par le besoin de prouver quoi que ce soit à elle et aux autres. Sa personnalité s’auto-actualise dénotant une quête de sens et de raison de vivre. Celle qui parvient à cet état veut que son existence ait une valeur, qu’elle soit une contribution à l’existence des autres. Il est vrai que les gens vont davantage s’impliquer dans des activités qui les aident à satisfaire leurs besoins psychologiques, et plus leurs systèmes de motivation correspond à ces besoins, plus ils sont heureux. L’estime de soi n’atteint pas sa complétude dans le prestige ou les privilèges qui sont beaucoup plus symboliques que gratifiants. L’opportunité de révéler un potentiel méconnu consolide la confiance en soi surtout quand l’évidence positive du jugement d’autrui reconnait des aptitudes à prendre des décisions, à assumer de grandes responsabilités.

La motivation naît souvent d’un modèle de référence qui au moment de l’adolescence est capturé par l’imaginaire. L’identification croît à bas bruit, installant des bribes d’un système de pensée qui remonte au conscient le moment venu. L’exemple le plus spectaculaire est celui de ces enfants qui ont exprimé leur admiration au père/leader Elie Domota au moment de la mobilisation générale de la grève déclenchée par le LKP en 2009. Une société sans héros, sans modèle à glorifier est contrainte à s’approprier et à faire sienne ceux des autres sans soupeser le danger d’une aliénation menaçante pour l’identité.

Il me revient en mémoire cette phrase d’un étudiant disant à Paris : « Qu’aux Antilles il n’y avait pas d’intellectuels », étonné de se voir entouré de tant d’intellectuels antillais de haut niveau. Il lui a été signifié de rectifier sa parole par : « il ne connaissait pas d’intellectuels aux Antilles ». C’est vrai qu’on était dans cette période de manquement, d’hésitation médiatique à présenter les modèles de référence couleur locale comme continuité d’une dévalorisation coloniale. La réparation commence à s’installer à son rythme.

S’agissant de la femme, sa motivation est mise en berne par l’âge des enfants. Elle attend qu’ils sachent se débrouiller par eux-mêmes pour donner libre cours à son engagement, comme les femmes qui prennent un congé parental, scotomisant leur carrière pour s’occuper de l’éducation des petits. La motivation est soumise à condition, à telle enseigne qu’elle culpabilise en rentrant les bras chargés de cadeaux comblant une absence pour raison de déplacement d’affaires et/ou professionnel.

Mener de front vie familiale, vie professionnelle, vie publique implique de mettre en place une organisation rigoureuse qui nécessite une lutte sans merci contre un environnement dont la parole n’a pas valeur de contrat, dont le temps est un temps social et non un temps industrialisé (le retard systématique), dont les comportements parfois dégradants des homologues hommes font une fixation sur les jambes ou les fesses fé det an ké payé (fais des dettes je paierai, allusion à la marchandisation du corps.) C’est-dire que la femme timide a plus qu’une autre à s’affranchir d’une éducation trop stricte empêchant la riposte. Aucun homme public ne s’est plaint d’une main mise à sa fesse ! Renvoyée à sa féminité, son sex appeal, à son rôle de séductrice, c’est lui signifier son égarement dans un espace qui n’est point le sien. Ses capacités intellectuelles et d’initiative sont mises à mal de façon humiliante, larvée d’hypocrisie du désir. Sans se disperser, elle a obligation de définir ses objectifs. Atteindre ses buts est rarement sous son contrôle individuel et absolu.

Et il faut compter avec la concurrence car d’autres espèrent accéder à sa situation. Seul un objectif de performance, celui qui détermine le niveau de résultat qui mesure les chances d’atteindre les buts peut être sous son contrôle personnel, il permet de mesurer les progrès. Chaque fois que cela est possible, il faut assortir les buts globaux d’objectifs de performance. Le but global donne l’élan et la dynamique d’ensemble, mais l’objectif de performance permet de déterminer des normes de travail et de s’y tenir.

Un bon objectif doit être : spécifique, mesurable, accessible, réaliste, déterminé dans le temps, mais aussi explicite, compris, pertinent, éthique.

L’éthique est primordiale, elle ravive l’idée de ne pas perdre sa dignité. La dignité, tellement oubliée quand on est prêt à donner son âme au diable pour une place semblable à une chaise musicale.

Quand un but est inaccessible, l’espoir est en déroute, mais s’il ne constitue pas un défi à relever, un challenge, la motivation s’estompe. Il est essentiel de formuler des objectifs sur un mode positif. Chacun a son propre code et la seule manière de s’assurer une adhésion optimum de son entourage c’est de satisfaire aux critères les plus exigeants. La relation à l’autre se construit, elle devient bonne et durable quand la réalité est abordée, perçue et appréhender en fonction d’une certaine objectivité. Parfois les distorsions tels les opinions, les jugements de valeur, les angoisses, les espoirs ou les craintes viennent la perturber. Ce sont des facteurs internes projetés à l’extérieur qui en sont la cause. Un réajustement est indispensable à l’établissement des liens à autrui. A savoir que : « Nous avons une possibilité de choix et de contrôle sur ce dont nous sommes conscients, alors que ce que nous ignorons nous contrôle. »

L’utilisation des perceptions sensorielles, la conscience corporelle, les sensations internes aident à la régulation des interactions. La conscience de soi dont un des versants est la sphère émotionnelle influe sur les relations interpersonnelles. C’est dire si la vigilance interne doit canaliser les pensées et les attitudes mentales comme les sentiments qui échappent plus ou moins à la conscience. Toutes les émotions ont des répercussions corporelles et les sensations corporelles déclenchent à leur tour des mécanismes mentaux. Ainsi les tensions, les blocages et les inhibitions peuvent influer le mental autant que le corporel ou émotionnel et que toute maîtrise sur un niveau entraîne une amélioration des deux autres.

Connaître ses propres émotions, les gérer, reconnaître celles des autres donne accès à un constat de qualité. L’obstacle le plus difficile à surmonter est le stress dont la gestion passe par la perception des sentiments qui alimente une compulsion à se surmener ou en dépistant des attitudes mentales tel le perfectionnisme. C’est en surmontant les obstacles internes que les résultats s’améliorent. Quelques règles établissent des repères dans ce domaine.

  • Avoir une vision positive d’autrui en considérant que chacun peut exceller dans sa spécialité
  • Apprendre à penser par soi-même
  • Avoir conscience de ce qui améliore la performance
  • Apprendre en s’épanouissant, apprendre à se faire plaisir
  • Avoir un sens aigu de la responsabilité
  • Cultiver la confiance en soi
  • Avoir cette phrase comme leitmotiv : « Je veux pour moi, je dois pour l’autre. »

L’autre conditionne l’engagement même s’il n’y a pas d’attente au niveau de la reconnaissance. La jouissance tient de la conscience qu’il y a d’être utile, de servir une cause. Le plaisir du don est autant chez celui qui reçoit que chez celui qui donne.

S’engager, c’est prendre un risque comme vivre. Mais est-ce pour autant se démettre de ses choix quand les difficultés s’ajoutent aux jours, quand les langues perfides distillent du poison les nuits sans lune, quand la lassitude s’appuie sur le découragement de ne rien obtenir de ce qui est promis ?

La femme a des ressources inépuisables, elle continue son avancée persuadée d’infléchir le cours des destinées. Derrière les parpaings accumulés, elle continue à se mettre sur la pointe des pieds, regardant ce qu’il y a derrière le mur afin de le franchir. Nul doute qu’elle arrivera à ses fins sans s’entendre dire qu’elle a trop reçu et trop tôt de la part de l’homme qui est en perte de domination. La femme multiplie sa présence dans des milieux politiques, associatifs, artistiques, elle sait désormais qu’elle est prête à faire avec ou sans les hommes. La conscience de sa plénitude trace les sillons de la négociation, de la détermination aussi à s’asseoir à une place qui lui est due.

Fait à Saint-Claude le 2 octobre 2019.

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