Automobile : zéro de conduite

Publié dans Le Progrès social n° 2532 du 08/10/2005 

Le comportement des automobiles a de quoi surprendre. Il semblerait à les observer qu’elles ont une âme, des sentiments, comme si leur avancée technologique n’avait rien changé à leur manière d’être. Les nouveaux moteurs électroniques et la carrosserie plus fragile n’ont pas modifié l’information de la direction qui incombe au clignotant. Presque jamais elles ne le font fonctionner, dans un but de ne pas l’user peut-être. A bien y réfléchir elles ont tort car dans une région humide, être en action empêche aux rouages de gripper. Aussi nombreuses dans une même situation amène à se poser la question de la condition de la vente : son accroissement doit tenir à la privation du clignotant. Les constructeurs si cela s’avère réel, n’ont pas saisi les conséquences de ce lobbying. Quand deux ou trois en possèdent, elles font démonstration d’un savoir- faire insuffisant : elles clignotent à gauche et tournent à droite. C’est déjà un dilemme pour celle qui suit mais quand elles clignotent tout le temps et ne virent  jamais, l’autre en perd son latin. Mais avec la modernité, pourquoi ne pas leur apprendre à reconnaître les stops ? Un gadget de plus à ajouter pour un panneau, juste un de plus. Ce serait certes priver les carrossiers de providentielles sommes d’argent, et les assurances de l’octroi de malus. Ces dernières font des efforts pour la prévention : récompense diminuant le prix de la facture de 50% en absence de déclaration d’accident donnant lieu à remboursement. Cela ne veut pas dire sans aucun accident. Ruse et détour. Le non-respect du stop occasionne de temps en temps le déplacement d’un bras en guise de signe, non identifié par celle qui détient la priorité car il n’appartient pas à l’automobile. Un élément étranger presque un squat n’ayant aucune incidence sur la conduite et la vitesse à laquelle elle déplace ses roues. Elles en ont toutes quatre. Peu ou prou gonflées, de la taille basse aux « on air » touchant à peine le bitume. Par temps de pluie elles se dirigent vers les caniveaux ou couchent sur le sol les barrières de la DDE posées pour protéger les chantiers ; les freins ne suffisent pas à les immobiliser. Certaines regardent le ciel encrassé de nuages gris, tournant comme un manège. On dirait des tortues, carapaces renversées, ne comprenant pas comment cela a pu arriver. D’autres laissent des traces sur la route après s’être déportées sur la droite, évitant que  l’avant du véhicule ne percute un pare-choc arrière immobile ou ralenti. Les roues ne connaissent pas la distance nécessaire à respecter, trop occupées à regarder les plaques d’immatriculation, prétentieuses qu’elles sont quand elles dirigent des automobiles qui ne savent pas lire. Ni les chiffres, ni les lettres. Elles doivent retourner à l’école pour réduire leur illettrisme ou pour réparer leur analphabétisme. C’est pourtant simple : danger, travaux, roulez au pas, 50, 110,  70. Celles qui savent lire ont des défauts dans les yeux. Existe-il des ophtalmos pour voitures même neuves ? Entre savoir et ne pas savoir lire se trouvent les hors la loi. Vous le constatez, elles ont une âme qui soutient un caractère irréductible et réfractaire à toute loi. L’unique loi qu’elles admettent est la leur. Elles roulent à la vitesse décidée par le moteur, s’arrêtent là où elles veulent : au milieu de la route conversant avec une autre en vis-à-vis, devant le portail des particuliers, sur les bouches d’incendie, sur les trottoirs, rentrant presque dans la vitrine du boulanger, bloquant le passage devant les écoles et les crèches, s’engouffrant rapidement dans les emplacements réservés aux handicapés avec un grand irrespect pour tout. Ont-elles conscience de leur incivilité qui se meut en vilénie quand elles gênent en toute innocence  ou avec une volonté délibérée ? Se mettre derrière une autre sans possibilité de manœuvre bien collé à elle en ayant l’air de dire : « Tu attendras mon bon vouloir. » S’étonner du klaxon impératif et coléreux pour : « Si peu. » Ne pas s’excuser. Les automobiles sont sans éducation et quelquefois barbares. Il faut écrire aux usines qui les a enfanté, décrivant leurs méfaits et leur absence de politesse. Exiger aussi qu’on ne les fabrique pas en série dotées de tant de mauvaises intentions.

Les petites sont jalouses des grosses à l’inverse de chez NANA en Guyane, où les supposées femmes touloulous minces sont pourchassées par les rondes, très enrobées, presque obèses en concurrence dans le désir au masculin. Dans les parkings il faut les voir, choisissant une de classe, neuve, se mettant derrière elle alors qu’il y a pléthore de places ou se scotchant à la portière avant gauche, sourdes aux  stridulations des yeux électroniques veillant à l’écart obligé avec les obstacles. Elles ne se rapprochent jamais de leur homologue usagé et buriné par le soleil et le sel de la mer. Trop de ressemblance ne produit pas d’intérêt. Elles sont petites mais avalent à toute vitesse les routes nationales, les chemins creux, accélérant quand une jugée plus puissante opère un dépassement quitte à provoquer une « fentouse », à mordre les parapets du milieu des routes à double voie. Elles sont en train de démontrer qu’elles existent au même titre que les gros modèles avec leur confort, leurs vitres toujours haussées, ne humant ni les gaz délétères des pots d’échappement des mal entretenues jamais contrôlées par ceux habilités à le faire, ni la touffeur de l’atmosphère, le climatiseur toujours en marche. Elles aussi ont une clim, mais par mesure écologique, la protection de la couche d’ozone, le rhume, elles ne l’utilisent pas. C’est vrai ce mensonge ? A 140 km/heure la carrosserie vibre, le vent à l’intérieur est facteur de déséquilibre, allez allez on pousse un peu jusqu’au radar où elles redeviennent lentes, mais lentes, à 39 km plutôt que les 50 requis. Elles s’imposent une large marge : la peur de la sanction.  Pourquoi les machines ont-elles besoin d’une surveillance et d’une menace disciplinaire pour se comporter normalement ? Elles ne savent point s’auto régler, dépassant les bornes quitte à casser leurs semblables, outils indispensables  de travail parce que les transports en commun ne sont pas adaptés à la vie sociale. Ceux-là pleins de toute-puissance ramassant l’usager ou le descendant tous les dix mètres, sans avertisseur extérieur, opérant un détour dans la campagne pour embarquer un joli minois qui fait l’économie d’une marche jusqu’à la nationale ( l’automobile est amoureuse), se soucient peu des arrêts bus. Ne déplaise à tout le monde, ils sont les rois de la route excepté le dimanche : ils récupèrent de l’énergie pour la semaine quand devenus transports scolaires ils emmènent dans un tourbillon, sortant d’une bretelle sans crier gare, des enfants grisés et hurlant ( les vôtres) au risque d’une rencontre fracassante, sur la nationale. L’automobile est immature : elle mérite un zéro de conduite.Tant de manquements suscitant des griefs, des récriminations contre des automobiles nécessaires au monde moderne, qui non contentes de polluer l’air brisent des vies à défaut de tuer l’humain, méritent qu’on leur fasse un procès quotidien. Cela serait lassant. La prévention procède d’un choix plus approprié. Une grande fête rassemblant toutes les catégories les obligeant à se côtoyer : celles aux portières défoncées, aux ailes brisées, aux toits froissés, victimes et agresseurs face à face, toucherait leur âme. Elle permettrait d’envisager la route sous une autre dimension, à penser les autres comme des alliés ou des partenaires et non plus comme des ennemis à immobiliser, à coincer dans des embuscades, à agresser sans raison apparente. Comment peut-on vouloir du mal à cette petite cylindrée rouge, pétillante et coquine se trouvant après le virage, mortellement blessée, après un dérapage mal contrôlé ? On ne savait pas que c’était elle bien sûr, si mignonne !

L’apprentissage du civisme devrait aller de pair avec l’apprentissage de règles indispensables à une bonne conduite sur la route.

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