L’image de l’homme depuis quelques années n’a de reflet que dans un miroir où pédophilie, abus sexuels, violences conjugales s’additionnent. De l’ère du papa poule à celle du nouveau père, il ne serait rien resté de résiduel ? Le père suffisamment bon est-il dissociable de l’homme tout court, du masculin en général ?
Balance ton porc, me too, me too inceste, la cohorte des accusés pourrait rassembler tous les sans enfants, les sans épouses, les sans scrupules, une catégorie masculine à part, minoritaire ? D’un côté les bons, les doux paternant des enfants désirés, et de l’autre des hommes/sexes gouvernés par la dérive des sens, aux mœurs débridés ?
L’homme évoqué aujourd’hui a certainement muté, à l’instar de la société qui bon an mal an a édifié des lois, dessinant les contours d’un sujet plus près des attentes des femmes modernes, présentes dans tous les domaines de la vie sociale. Le guadeloupéen se désignait lui-même comme un enjôleur, coq du village et n’imaginait pas enfermer son désir dans la gorge du silence. Il disait son existence par un hommage permanent rendu à la déesse/femme.
Du haut de l’échelle du travail, le maçon sifflait la gent féminine sans être perçu comme grossier personnage, où irrespect et hardiesse s’entremêlaient. La réponse se trouvait dans un code non compréhensible pour l’étranger. Si le corps en mouvement chaloupé autorisait un sourire sur les lèvres de la jeune demoiselle, regard fixe, droit devant, il pouvait augmenter les stridences du son. En cas où l’indifférence ne changeait en rien la surdité de l’ouïe, le faiseur de mur reprenait sa tâche comme si de rien n’était. Le ralentissement des pas, la tête légèrement penchée, le déhanchement accentué, étaient récompensés par des commentaires flatteurs adressés à une reine de beauté, privée de tapis rouge, injustice que les compliments réparaient. Il ne serait venu à l’esprit de quiconque d’aller porter plaine pour une attitude courante culturellement acceptée, resituée dans un banal contexte relationnel.
Le maçon s’est tu, appuyé au mur de la législation, le regard volant à la sauvette la belle silhouette. Cet exemple oriente le questionnement sur l’identité masculine, ses fluctuations, ses transformations. On ne naît pas homme, on le devient.
L’identité masculine
Dès l’enfance, le garçon est conditionné en vue du devenir homme. Sanctionnées les plaintes et les larmes synonymes de faiblesse. La répartition des rôles entre les sexes, l’assigne à une posture supérieure, (professionnelle, politique, familiale), une différence d’éducation où maîtrise de soi, vigueur, goût pour la lutte, compétition, prise de risque, l’érigent en conquérant. Il croit avoir l’ascendant sur la femme parce que ses comportements appris façonnent la personnalité. Sans états d’âme, il a intégré ces styles de conduite preuves d’une masculinité aux attitudes jugées viriles. Il assume un rôle jusqu’à la violence s’il s’en faut pour occuper la place qui lui est dévolue.
Avant, l’homme avait obligation de faire démonstration de sa virilité. La fertilité était assimilée à la puissance sexuelle, le nombres de ses enfants légitimés ou non, lui donnait une assise de mâle : un vrai. Être un homme correspondait dans l’imaginaire à avoir un sexe et à savoir s’en servir. Vie parallèle, vantardise en groupe d’amours plurielles, criaient la peur d’être émasculé. Cette construction sociale s’est effondrée, combien même le schéma ancien apparaît quelque fois chez l’homme se raccrochant à ses certitudes rassurantes. L’ascension sociale de la femme, son indépendance financière, la limitation des naissances, l’ont aidé à pénétrer les territoires masculins interdits. La masculinité dès lors vacille sous l’évidence des mutations, le plus important étant le partage des privilèges.
L’identité masculine a dû s’engager dans la voie d’une diminution d’un idéal de perfection virile qui interdisait de laisser transparaître les faiblesses et les contradictions. Face à cette puissance féminine impressionnante, il bat en retraite mais emprunte un détour de la domination : le viol. Ce crime s’ancre dans le champ de la perversité comme recours à l’acte sans représentations sous-jacentes et dont la seule dynamique se tient dans l’opposition anéantissement/toute puissance.
Mais qu’est-ce qu’un homme ? Est-ce d’abord une sensation ? Si oui, où en est-il avec lui-même aujourd’hui ? Et avec la femme ? Elle qui demande avec force où sont les hommes ? Les vrais, ceux qui se tiennent droits, qui ont des échanges sur les réalités maîtrisées, qui apaisent les attentes gourmandes de leurs corps, prêts à laver l’offense en faisant le coup de poing, rient fort, bercent les enfants, les créateurs, les inventeurs, doux et vertueux, tendres sans se cacher, où sont passés ces hommes-là ? L’écho répond que la gent féminine les a relégués dans l’entresol de l’insignifiance en les castrant, sans désir ni puissance exprimés, réduits à être spectateur du réveil de l’indépendance financière d’une égale à la sexualité assumée, dont la revendication du plaisir et du bonheur est proclamée. Que comprendre de cette assertion de crise du masculin à cette image renvoyée d’agresseur sexuel de surcroît d’enfant, des pannes sexuelles aux troubles érectiles réparés par le cialis et le viagra ?
La relation au sexe
La confusion participe à l’absence de différence et il y en a. Il ne serait pas juste de dire qu’un homme n’est gouverné que par son sexe combien même il affirmerait partager une multiplicité d’alcôves. Certains avouent que le plaisir se trouve dans les nouvelles technologies, télé, tablettes, iPhone, ordinateur. La cyberculture opère un déplacement vers les machines avec le porno en ligne et le cybersexe permettant le confort d’être soi sans l’autre, juge des défaillances. Abolies les caresses et les exigences du corps à corps. Le virtuel permet les dérives et les métamorphoses. Montrer, se montrer dans une exhibition à l’infini, franchir les rives de l’interdit, jeter aux orties la rigueur morale et religieuse, l’instance surmoïque, face à face avec la curiosité et l’attente vaine de jouissance. Puis recommencer comme le joueur en situation d’addiction tenu de perdre la mise afin de réinvestir des sommes démesurées.
Gagner à tous les coups n’a aucun intérêt. Ce rapport coupable érotisé signale que la crise est de nature libidinale et ne semble pa affecter les autres rôles. Ceux dont les corps sont pleins de désirs, murmurent qu’ils sont frustrés par l’amour conjugal, ses limites, sa tiédeur. Ils aimeraient se laisser aller à la tentation des choses lubriques, mais l’obligation de fidélité musèle leur gourmandise. Les débordements constatés par l’épouse les clouent au pilori de la dénégation. Respectueux des conventions, ils souffrent de faire souffrir jusqu’au prochain émoi. L’hypocrisie de la libre sexualité mortifie la décision d’être conforme au contrôle des pulsions. Et pourtant subsiste un réel besoin de former couple par crainte de la solitude.
L’influence des mères
Être un homme c’est d’abord être un fils. L’attachement œdipien permet à la mère de l’investir comme un petit homme satisfaisant par le caractère de son sexe, seule relation qui l’agrée totalement. Fière, elle se sent complète. Complétude en adéquation avec l’attente du père soucieux de la continuité de la lignée par le nom. Il fut un temps où l’ignorance du rejet et de sa souffrance adjacente de la fille privée de nom du père, hissait dans la préférence le garçon. Sevrage tardif, soins de puériculture prolongés, la relation exclusive à la mère entretient le vieux rêve universel de la bisexualité de la femme, occasion de se voir sous la forme masculine.
Ce fantasme de possession de l’autre sexe, le garçon le met en doute en grandissant. Les premiers mois sont symbiotiques, mais le stade d’opposition anale et d’affirmation de soi génèrent des difficultés d’acquisition de son indépendance. Cette mère se trouve dans l’impossibilité de renoncer au seul mâle qu’elle n’ait jamais eu à elle. Elle le prend au piège de l’amour, l’acculant à la terreur de la domination féminine ou à l’infantilisation. Se défaire de la personne qu’on aime le plus n’est pas facile.
La formation des couples, leur longévité, leur qualité sont empreintes de la relation mère/fils. Se dégagent des figures maternelles qui caractérisent l’avenir amoureux de l’homme.
- L’admirative ayant pour unique but la mise sur orbite d’un être idéal, adulé, unique, exceptionnel destiné à combler ses attentes, mérite une épouse qui ne saurait être en-deçà de ses ambitions. L’image imprimée de la perfection, oriente le choix d’une femme non seulement à la hauteur mais dont l’abnégation et la dévotion assureront le continuum. Femmes fortes, indépendantes, séductrices, s’abstenir. La quête incessante des qualités requises, enferme dans une solitude tissée de déceptions.
- La possessive dont l’anxiété prolonge le lien, surprotège en permanence dans le besoin de soustraire le fils aux dangers matériels et affectifs. L’alimentation occupe une grande place, annihilant l’indépendance, le tenant par le ventre. L’homme aux émotions contenues, s’exprime peu sur l’attitude qui consiste à déjeuner dans la maison de sa mère, laissant vide la chaise à la table de son épouse ou arrive radieux, posant dans sa salle à manger la gamelle maternelle que l’épouse refuse de partager. Parfois, les enfants goûtent à ces mets dignes d’une grande cheffe, selon leur père. Incapable de couper le cordon ombilical, la dévotion oblige de contacter mariage avec celle qui plaît, adoptée par la mère. Intrusion, contrôle, avis non demandé, sont les tenants de l’infantilisation. Aucune échappatoire n’est possible.
- L’indifférente se tient à distance comme pour ne point être affectée par les sentiments et les demandes. En butte au doute de ses capacités maternelles, elle dissimule sa souffrance derrière un mur de glace. Le fils par phénomène de reproduction ne laissera rien transparaître de son attachement au féminin allant jusqu’au cynisme par manque de confiance en lui. La réussite de son couple passe par celle qui peut décoder son mal-être : une femme chaleureuse et expansive
- La dominatrice, autoritaire, en guerre contre le monde entier induit une relation ambivalente du fils : fasciné par le double maternel, il cherche en même temps à le fuir. Le paradoxe du lien précipite le couple au bord du gouffre sans le faire voler en éclats dans une relation dominant/dominé. La psychorigidité interdit la contestation jusqu’à la perler de violence pour se venger des injonctions de l’enfance. Se dire et se montrer homme, celui qui porte la culotte !
- La paisible, sans attente particulière, sans volonté de réparation narcissique d’une vie de manques et de déceptions, sait être présente, à l’écoute, complice, compréhensive. Le bonheur réside dans le choix du fils où elle n’a pas son mot à dire. Cette catégorie de mère bienveillante édifié de bons maris et de bons amants. Son objectif : dispenser du bien-être dans le respect d’autrui.
Quel homme, quel fils peut se dire défait de sa mère ? « Les liens tissés dans l’enfance les unira de façon indélébile et les femmes n’épousent que le fils d’une autre femme. Jusqu’à ce qu’elles aient un fils à leur tour, lâchant le combat du passé pour celui de l’avenir avec son fils. La boucle est bouclée. »
Fait à Saint-Claude le 01/02/2021