Les droits acquis sont-ils menacés ?

L’accès à l’eau est un droit fondamental. Sa pénurie, ses coupures, son insalubrité, engendrent nombre de désagréments au niveau de la population avec des dommages collatéraux, quand des enfants sont privés de 20% de cours à l’école qui ne sont pas remplacés. Les manquements se situent à une échelle graduelle. Les droits acquis subissent des changements dans le domaine de la santé, de la construction, de la retraite. Souvent, ces changements sont présentés comme porteurs de progrès, de mieux vivre. Je ne veux que pour exemple la proposition récente de la durée du congé parental et sa rétribution. 

Quel peut être l’impact de ces changements sur l’individu et sur la société ? 

Un changement est le passage d’un état défini à un temps donné vers un autre état à un nouveau temps défini. Les réactions à la modification vont être mitigées puisque l’on observe des variations dont la cause s’origine dans les tendances naturelles de chacun. Dans la population en général on évalue que 5 à 10% sont porteurs de changement, qu’environ30 à 40% sont favorables et vont adhérer alors qu’une proportion équivalente se montre méfiante et que 5 à 10% y sont réfractaires. Les individus ne sont pas des objets que l’on peut manipuler à travers un quelconque processus de changement. Ils sont en mesure de l’infléchir et de l’orienter dans un sens qui leur est favorable. Ils ne sont pas non plus automatiquement hostiles à rompre leurs habitudes, ils soutiendront la réforme engagée tant qu’elle leur est profitable. Les acteurs peuvent tout à fait accepter les objectifs de la réforme tant qu’elle ne remet pas en question ce qui leur permet de rester maître de leur comportement et ne perçoivent dans le changement un danger que lorsque celui-ci met en cause les conditions de leur pouvoir et de leur liberté d’action en modifiant ou en faisant apparaître les zones d’incertitudes qu’ils contrôlent. Cela sous-tend que la résistance dépend de la connaissance et de la maîtrise qu’a l’acteur des enjeux et des effets du changement.

Si l’influence du groupe ou résistance collective est forte, pour changer un individu il faut agir sur les normes du groupe. Les groupes ont dans leur organisation une vie propre. Ils développent des stratégies que le changement peut compromettre et constituent à ce titre des lieux d’organisation de la résistance. Les connaissances et les comportements des individus participent à l’intégration du changement parce qu’il impose de faire un apprentissage de techniques et de méthodes nouvelles dans l’entreprise par exemple. Or parfois, les acteurs n’ont pas les qualifications et les compétences pour effectuer ce qui leur est demandé dans l’institution. Afin de mieux cerner la capacité des individus à faire obstacle au déroulement du projet par exemple, la résistance au changement doit s’analyser en termes de paramètres tels : l’affaiblir, le contenir, l’éviter ou en profiter. Les personnes réagissent en fonction de la stratégie employée ou l’absence de stratégie pour impulser le changement.

1 – Imposé et planifié, les destinataires ne sont ni consultés ni incités, ils se mettront en résistance parce qu’ils se sentent menacés.

2 – La conception organisée qui focalise son action sur la dimension humaine : mesures d’accompagnement, politique d’information et de communication, système de récompense et dispositif de concertation rencontrera moins de résistance, parce que chacun se sent concerné et n’aura pas l’impression d’être téléguidé. 

3 – On voit qu’une stratégie politique qui mise sur les intérêts des acteurs et la finalité du projet, même si elle met en avant les avantages et atténue les inconvénients, ne fonctionne pas toujours. Que l’on se souvienne des péripéties autour de l’octroi de mer. La légitimité politique avait envisagé de trouver des alliés et de convaincre des avantages qu’on pouvait tirer du changement.

Le rapport de la défenseuse des droits notifie qu’il y a une forme de banalisation de l’atteinte au droit en Outre-Mer et qu’il y a une réelle rupture de confiance entre les usagers et les institutions qui sont censées défendre leurs droits. Il est possible pourtant de construire progressivement un changement par des processus d’adaptation locale et d’appropriation individuelle et collective. Cependant certains se déclarant investi d’une mission salvatrice ont été confrontés à une forte résistance quand la maire de Deshaies madame Jeanny MARC faisant figure de leader a dit non, ses administrés avec, à la transformation de leur système de distribution d’eau et sa facturation, en remplacement d’un réseau dont la gestion du précieux liquide est controversée. Son action a permis de donner du sens, rassemblant pour un même combat ceux qui se sentent protégés. L’être humain est en recherche permanente d’équilibre. L’apparition d’un changement peut provoquer un déséquilibre. Les deux capteurs du déséquilibre sont le stress : réponse non spécifique, et les émotions : réponse spécifique. Dans certains cas, l’individu va s’adapter, dans d’autres, il va résister au changement en développant des mécanismes de défense. On le voit bien dans cette liberté d’expression bafouée, où tous ou presque tous font semblant d’ignorer ses limites.

Les émotions sont des signaux qu’envoie le corps permettant de gérer les changements. Ce sont la peur, la joie, la colère, la tristesse. Tandis que le stress entraîne des conséquences psychologiques telles l’anxiété, la nervosité, la tension, la dévalorisation de soi, l’insatisfaction et des conséquences physiologiques : migraines, mal de dos, douleurs articulaires, douleurs d’estomac.

Dans un enchaînement de mal-être permanent, des répercussions comportementales vont être à l’œuvre : addictions (alcool, tabac, substance psychoactive) vols, accidents, agressions, qui vont amplifier le déséquilibre. Un cycle infernal est entamé.

En Guadeloupe les mécanismes de défense s’érigent sur les modèles de :

1 – La plainte qui dissimule le statu quo du sujet, une victimisation à outrance qui justifie qu’il ne bouge pas, qu’il ne dit rien.
2 – L’accusation : on rejette la faute sur les autres, déjà dans la culture le tort ne saurait être pris en compte, il y a là surenchère. « Ce n’est pas moi c’est l’autre, tous les autres ».
3 – Le déni qui occulte la réalité.
4 – Les excuses mises en avant de l’impuissance qui évite de prendre la responsabilité de chef.
5 – La résignation : « De toute façon on n’y peut rien ».
C’est une tentative de se protéger de ce qu’on considère être un danger. Les mécanismes de défense sont protecteurs dans un premier temps mais dommageables à moyen terme. La victimisation abolit la capacité de choisir, de s’investir et de s’approprier le changement. Peurs et perte se cachent derrière le changement.

Peur de perdre le contrôle c’est à dire ses habitudes son pouvoir, peur de l’inconnu, peur de ne pas être reconnu, peur de perdre son identité, peur de devenir une cible et d’être désigné résistant. A savoir que le changement s’appréhende comme un deuil dans l’acception d’une réalité qui se modifie. Il y a nécessité de franchir les étapes les unes après les autres. Le choc, la rupture, la période de désillusions, la tristesse, suivie du découragement, de la difficulté de communication puis enfin de l’acceptation d’initiative.
Un nouvel équilibre va s’installer à partir de l’acceptation de la réalité, en donnant sens à la situation nouvelle. Mais il n’y a pas d’égalité face à ce processus. L’âge, la profession, l’histoire de vie, les habiletés personnelles sont des facteurs qui influencent les postures. Les caractéristiques facilitatrices de changement sont : la curiosité, la capacité de prendre de la distance, de faire le point ; de résoudre les problèmes, de demander de l’aide, de faire plusieurs choses à la fois, de réajuster ses objectifs, la confiance en soi, la possibilité de s’engager dans des procédures de gestion de conflit, de développer des antidotes au choc du futur.

A l’accélération de la cadence des changements trois antidotes sont indispensables :

Apprendre à apprendre. Apprendre à faire des choses. Apprendre à communiquer.

Voilà désigné quelques droits acquis les plus bafoués : la censure à sens unique, l’interdiction de mettre en accusation l’efficacité du vaccin COVID, la liberté d’expression, le certificat de sortie signé par soi-même. Qu’on se souvienne que la France est un pays qui se réclame de la démocratie et des droits de l’homme et pourtant la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République après les élections européennes, fait planer la menace d’une dissolution de la binationalité et du droit du sol par un groupe dont l’idéologie est défavorable à l’immigration. Le droit à l’avortement l’a échappé belle parce qu’il a été inscrit récemment dans la Constitution. Démonstration est faite que rien n’est acquis de façon définitive et qu’une vigilance permanente est l’unique moyen de défendre ses droits.

Fait à Saint-Claude le 29 juin 2024

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