La peur est une émotion survenant avec l’impression d’un danger, d’une menace réelle ou imaginaire. Cette réaction est liée à l’instinct de conservation qui se manifeste sous des formes multiples et expressives en fonction de son intensité. La même appellation est utilisée pour désigner une simple crainte (peur de rater le court-bouillon de poisson), autant que l’épouvante et la frayeur.
La peur a une cause précise et peut être maîtrisée, contrairement à l’angoisse dont l’envahissement diffus sans véritable objet étreint l’être. L’entourage se moque souvent quand l’insignifiance du déclencheur permet de porter un jugement négatif sur l’adulte : un congolio (diplopode), qui paralyse celui appelé kapon ou lâche. C’est à mourir de rire. La dimension du temps est un critère non négligeable : l’émotion temporaire ou de longue durée aura un impact sur la fragilité des défenses mises à rude épreuve. Si la peur surgit lors d’un évènement ponctuel, sa répétition finit par imprimer dans la mémoire les désagréments qui, à l’évocation de l’objet, restitueront les émotions négatives en l’absence du déclencheur.
Les différentes peurs s’étayent sur des peurs réelles et des peurs irrationnelles.
- Le conditionnement génère une mémoire de peur dont l’expérience de Pavlov a démontré qu’elle fonctionne sur la base d’associations d’idées. Peur acquise aux souvenirs construits à partir de corrélations entre différents éléments, elle imprègne l’imaginaire comme catalyseur de mémoire. Par exemple le craquement des maisons la nuit accentue la croyance dans la fréquentation des invisibles et le phénomène de hantise des logements.
- La peur apprise relève d’une rencontre avec un animal provoquant de la surprise : la morsure d’un chien, la plus courante.
- La peur indélébile occasionnée par des événements extrêmement violents (assassinat, catastrophes naturelles, viols) dont la résurgence régulière provoque de l’émoi. Non traitée, elle s’achemine vers le psychotrauma et son cortège d’hypervigilance, de manifestations somatiques, (chute des cheveux et des cils, eczéma, psoriasis, douleurs rhumatismales), et psychologiques (attaque de panique, insomnie, modification de l’humeur, perte de l’appétit, ulcères).
- Les peurs irréelles sont le fruit de l’imagination, des croyances formées dans l’enfance, conséquences d’expériences douloureuses vécues, parfois observées et/ou apprises. Peur des araignées, des ravets, des souris, de l’orage, de l’eau. Le danger n’est pas réel. Transmises, ces peurs traversent les générations comme la peur de dormir dans le noir. La plupart des guadeloupéens ont une veilleuse dans la chambre, gardienne de leur sommeil la nuit. La faible lueur tient au loin les invisibles, sert de rempart à l’attaque des êtres surnaturels tels le dorlis qui à la faveur de la nuit s’introduit par le trou de la serrure jusqu’à la couche de la femme. Le dorlis est essentiellement une création martiniquaise dont l’origine est à rechercher dans l’interdit du désir. Sous une autre forme, le sujet douloureux en soins palliatifs après accalmie redoute le retour de la douleur. Ces peurs irréelles comme la peur de la mort qui s’est accrue depuis la promesse de l’éternelle jeunesse donc de l’immortalité, s’expriment peu, mais ne hantent pas moins l’intime de l’être.
Comment fonctionne-t-elle ?
La survenue du stress génère une situation d’inconfort qui entraîne des répercussions sur le plan physiologique et neurologique. Le soma en alerte modifie l’état physiologique qui envoie un message au cerveau celui-ci libère des hormones : adrénaline et noradrénaline en fonction des informations reçues. Ce bouleversement sensoriel conditionne les comportements selon l’intensité de l’émotion. Il dicte les conduites à adopter face à l’évaluation individuelle sur le plan du conscient et de l’inconscient. Ainsi le décodage du stimulus va dicter les réactions en les régulant, apportant une réponse appropriée. S’immobiliser, fuir ou attaquer sont des modes de réponses qui peuvent être analysées après-coup, permettant une lecture de l’intime et une gestion de la peur.
Quand elle prend le dessus, aucune maîtrise n’est possible, elle franchit le cap du supportable et se meut en obsession et en phobie. La peur intense et irrationnelle va donner lieu à des troubles somatiques : sueurs, bouffées de chaleur, tremblements, malaise, douleurs abdominales que l’objet phobogène déclenche. La peur du chat par exemple qui n’est liée à aucun danger, est une phobie que la seule pensée de l’animal va faire naître une anxiété d’anticipation, de même que les éléments naturels : l’orage, la mer, le sang, les situations, (vols aériens, escalade en montagne.) Ces conséquences parfois graves entraînent des répercussions dans la vie sociale, professionnelle, familiale d’autant plus qu’on ne les reconnaît pas comme une maladie. Les phobies classées dans les troubles de l’anxiété se traitent selon diverses méthodes. Parfois la difficulté à demander de l’aide décide d’une attitude dysfonctionnelle et nocive, celle de calmer les émotions par des prises de drogues ou d’alcool, ajoutant une addiction au tableau.
Il existe trois types de phobie : la phobie simple, l’agoraphobie et la phobie sociale. La phobie administrative, la procrastination, a surgi à la connaissance de tous après les déclarations d’un membre du gouvernement oublieux de déclarer le montant de son patrimoine, évoquant une atteinte à ce trouble.
Pour qu’un diagnostic soit porté, les critères déterminant les phobies sont les suivants :
- Sa durée : six mois d’existence
- Sa démesure par rapport au danger qu’elle représente
- Son déclenchement en lien à une situation précise ou à un objet
- Son évitement : objet phobogène constituant une contrainte
- Son implication dans la souffrance ressentie.
Les phobies sociales passent parfois inaperçues parce qu’elles sont nichées dans des attitudes acceptables. Le retard quand il est permanent même dans des situations qui devraient procurer du plaisir, n’est pas identifié comme tel. Les femmes en général plus que les hommes, entament une tâche alors qu’elles doivent sortir déjeuner dans leurs familles, ce qui n’a rien de stressant, en principe. Partout après l’heure, les reproches ne changent rien à leur attitude. La peur d’avoir à s’exprimer, à rencontrer même un groupe connu, installe un malaise et c’est ainsi qu’elles retardent ce moment mettant de la distance dans la confrontation aux autres. Le doute d’être vêtu correctement accentue le mal-être, la recherche de l’approbation des autres est constante mais n’apporte pas d’apaisement systématique. Sortir reste une contrariété psychique inexprimée que le partenaire a du mal à comprendre. Pourquoi trier le linge et le mettre en machine, ou entreprendre de nettoyer le four au lieu de se préparer ? Ne jamais être prête à temps. La phobie sociale peut être à l’origine des incompréhensions du vivre ensemble.
La prise en charge propose des pratiques multiples au gré des demandes. La thérapie comportementale et cognitive, l’hypnose médicale, le soutien psychologique sont des soins qui donnent des résultats. Si l’origine de la phobie n’est pas identifiée, un déplacement sur un autre objet phobogène fera surgir une pathologie de même type. La psychanalyse par l’investigation de l’inconscient autorise le surgissement des blessures de l’âme et les causes de ce trouble anxieux.
Fait à Saint-Claude le 4 février 2023