La Guadeloupe est un archipel, ensemble de plusieurs îles proches les unes des autres, très prisée par les touristes d’horizons divers. L’adjectif paradisiaque est un qualificatif relevant d’une banalité si on considère les délices dont bénéficie celui qui pose le pied sur son sol. La mer et la rivière, la campagne et la montagne, l’art culinaire, la musique et la danse participent à son image de marque pour l’éphémère visiteur. Ce qui se donne à voir n’a pas changé depuis la nuit des temps, mais le panorama s’est transformé en fonction de la demande d’une clientèle de plus en plus exigeante, dont la présence est synonyme d’apport financier garant d’une économie pourvoyeuse d’emplois. L’été et l’hiver des climats tempérés facilitent le choix de son climat tropical dont la réputation rivalise avec les évènements culturels à période fixe, qui commencent à s’exporter.
Les personnes qui habitent cette terre ne perçoivent pas et ne vivent pas la période des vacances de la même façon que celui dont le voyage sur mesure conditionne le rythme et la fréquentation des espaces.
La représentation des vacances
Le peuple sorti de la situation de l’esclavage avait comme priorité la recherche de nourriture. Depuis le matin la question posée par la mère « Que va-t-on manger ?», indice d’un manque et de difficultés économiques se souciait peu d’un temps de pause à fortiori de loisirs. La rareté de l’emploi, les jobs, entretenaient une précarité endémique dans les milieux sociaux défavorisés. Certains allaient à la rivière les jours de pâques et de pentecôte.
Les plus nantis organisaient des changements d’air, louant une maison ou acceptant l’invitation de famille habitant au pied du volcan ou au bord de la mer. Rencontre pour le plus grand bonheur des enfants découvrant des cousins, nouveaux compagnons de jeux. L’avion était inaccessible et rare, privilège de voyage en France réservé à une élite non natif/natal. Les accensions sociales des cols blancs, les congés bonifiés, les emplois du tertiaire, ont implanté un rêve d’évasion et d’ailleurs, réalisé grâce à la migration combien même l’exigüité du logement en France couchaient les corps sur le plancher, pratique ancienne des cases surpeuplées. La visite des banlieues aux constructions différentes, l’usage du métro et du train, la découverte d’une configuration autre d’aires de détente (parcs et jardins), le shopping à petits prix, participaient au sentiment d’un élargissement de l’univers étriqué des limites imposées par la mer. Les grands espaces : l’Inde, le japon, la Russie, l’Amérique, tous ces pays vus à la télé reçoivent des guadeloupéens mélangés à la foule de touriste du monde entier, conscients de faire partie de privilégiés aux ressources suffisantes, autorisant ces plaisirs. L’exception n’est pas la règle.
Juillet/août s’ouvrent sur des incertitudes pour nombre de familles. La machine à laver en panne et son remplacement, maintiennent le ménage dans le lieu du quotidien agrémenté de bains de mer, d’une escapade au cinéma, de sorties au restaurant, de réunion familiale. Deux mois passés avec ordinateurs et tablettes, jeux et échanges lointains en augmentation, les adolescents fréquentent la chambre quand ils en ont une. La colonie de vacances 1.299 Euros pour 15 jours est une utopie : elle n’a pas d’attrait particulier (semblable aux noix trop vertes de la fable) pour la majorité des familles. La CAF, les associations, permettent aux enfants de 3 à 17 ans de sortir de la maison au moins 21 jours et de jouer en groupe tout en apprenant à vivre ensemble. Ces aides sont soumises à conditions.
Raconter les souvenirs rapportés pendant les deux mois ou ne serait-ce qu’une semaine, constitue une torture pour la frange de population dont les jours ont ressemblé à tous les autres de l’année scolaire, excepté l’heure fixe du réveil matinal. L’inventivité vole au secours de quelques-uns piégés la rentrée précédente par cette demande du professeur, dont l’objectif n’était qu’une incitation à organiser une pensée, à la formaliser en développant l’expression orale. L’histoire jugée merveilleuse des camarades de classe revenus de régions à l’horizon repoussé, sera inséré dans leurs rêves secrets, mais ne surpassera pas le sublime de celle jetée à la face du groupe.
Même les murs qui entendent et devinent tout resteront impassibles, se faisant complice d’une conservation d’amour-propre. Plus tard cette chose avouée résonnera de fierté d’être parvenu comme beaucoup à un niveau de vie acceptable, à l’instar d’un ancien président de la République pour lequel les séances de cinéma étaient trop onéreuses pour sa mère : il n’y est jamais allé petit. Plus tard, bien plus tard, on peut en rire. Mais sur le moment, le réel d’une situation dévalorisante engendre deux postures : le dépassement de soi ou le repliement sur soi dont le corollaire est une agressivité envers les premiers de cordée doublée d’un charivari permanent perturbant l’apprentissage.
Ne pas s’accorder de répit engendre une fatigue endémique chez les parents qui s’accommodent de cette évidence sans solution, habitués à gérer les enfants auxquels il faut proposer des occupations ludiques sans cesse renouvelées, éloignant l’ennui.
Pourquoi prendre des vacances ? Combien même la Guadeloupe propose un cadre édénique à ses habitants, les vacances remplissent des fonctions indispensables à une bonne santé mentale et physiologique. Il n’est point nécessaire de quitter l’île en bateau ou en avion pourvoyeurs d’évasion, l’essentiel est de prendre de la distance avec les tracas du quotidien et de se désintoxiquer l’esprit. Le repos procure :
- Des bienfaits physiques. La médecine met l’accent sur le repos du cœur qui diminuerait les risques d’accidents cardiaques surtout dans une population où le pourcentage d’hypertendus est élevé. Le relâchement musculaire engendre des sensations de détente oubliées, mettant les crispations du corps au second plan, puisque on ne sent son corps que lorsqu’il est corps souffrant. Se vivre autrement dans une relation amicale de soi à soi, être sa meilleure amie en s’entourant d’indulgence. Ne pas avoir du mal à s’aimer durant cette pause. Adopter un autre rythme en souriant. Oui sourire en se réveillant, cette première attitude du matin, conditionne une bonne humeur journalière.
- Des bienfaits psychiques. L’évacuation du stress aide à diminuer les tensions, à récupérer un sommeil réparateur exempt de cauchemars, à consacrer du temps pour soi. Le droit à la paresse réconcilie le corps et l’esprit. Le bénéfice rejaillit sur l’entourage avec lequel les relations sont plus apaisées, l’occasion d’une redécouverte de ceux qui échappaient au regard dans l’empressement des jours ordinaires et actifs. Fini la course contre la montre facteur d’anxiété et de mauvaise humeur.
Les vacances sont bonnes pour tout le monde. Elles devraient s’inscrire dans les perspectives d’une politique publique en guise de prévention d’une conservation de la santé. Aujourd’hui, le marasme économique engendré par la pandémie avec ses effets délétères sur la psyché des personnes suspendues et les répercussions sur leurs enfants, devrait interpeller les institutions. Leur offrir des loisirs, les prendre en charge, : comme on a su le faire lors de la fermeture des écoles et que les soignants combattaient sans relâche le coronavirus dans les services hospitaliers, relèvent d’une grande l’humanité. Avoir sauvé des vies méritent au moins cela.
Bonnes vacances, bon repos, bonne détente.
Fait à Saint-Claude le 11 juillet 2022
Je vous remercie pour la qualité de vos propos qui reflète bien la situation que nous vivons et le quotidien de ces familles et jeunes que nous accompagnons. Telle une cocotte minute une frange de notre population est en surcharge. Les politiques ont dû mal à attendre »la pli bèl anba la pay ». Oui les vacances pour tous mais comment quand un système de transport est déficient,les bailleurs expulsent à tour de bras jettant à la rue des familles voir des personnes d’un certain âge. Il reste nous les « pompiers » du social .