Publié dans Le Progrès social n° 2558 du 15/04/2006
Les hommes qui en guise de test découchent, choisissent la voie de l’incertitude. Ils en sont au même point que la partenaire s’agissant du doute du sentiment amoureux ( cf Progrès Social précédent.) La culpabilité les submerge quand surgit l’obstacle ou le malheur, exprimant un repentir tel cet homme gémissant, couché sur l’asphalte une nuit d’accident de voiture criant un prénom : ARMINE. Il était déjà couché à ses côtés à 22 heures quand des amis sont venus le chercher pour un petit tour. Il les avait suivis sans réveiller sa femme Armine ; ce n’était pas la première fois. Maintenant il gisait sur la route, ensanglanté, le conducteur ayant mal négocié le virage, suppliant de dire à Armine qu’il lui demandait pardon. A-t-il recommencé ? Que dirait sa belle-mère en l’apprenant ?
L’ingérence maternelle se situe à la troisième place des conflits. Les mères abusives se mêlent de ce qui ne les regardent pas, elles ont des solutions à tout, savent tout et prennent position. Chacun amène sa mère dans la bataille : elle possède l’arme ou le bâton. La crise paroxystique précipite dans la maison familiale la fille et ses enfants. La belle-mère peut être un élément facilitateur de désordre. Au début force séduction est déployée par l’un et par l’autre afin d’être apprécié, accepté. Elle se fait l’alliée d’une fiancée hésitante, la gâtant pour mieux l’attacher à son fils brûlant de passion, elle sape la confiance d’une rétive au caractère bien trempé en invitant une ex du fils, la mettant à son service, lui faisant espérer une reprise de la relation. Par contre, les mignardises, les plats mijotés, la mise en valeur du diamant qu’est l’aimée, dissimulé sous la pierre à l’aspect rude, assoit l’hésitation du futur marié. Sa fille à elle doit concrétiser une alliance. Une fois établie, elle la recevra en période de disputes, prenant parti, se fâchant avec le gendre à qui incombent les torts. Les mères receleuses interrompent le dialogue, figeant chaque famille dans un camp et ne recevant que leur fille avec enfants lors des rites familiaux, le mari se tenant à l’écart dans une brouille aussi épaisse que celle de sa femme avec sa belle-mère, éternelle nourricière de ce fils qui consolide d’abord ses volets en saison cyclonique, avant ceux de sa propre maison, emportant ou mangeant sur place le met dégusté chaque jour ; un vrai régal de nourriture affective ne supportant aucune concurrence. C’est celle-la même dont la première belle-fille qui avait toutes les tares de la terre, comparée à la femme du second fils, désobéissante et mal élevée, remonte dans la hiérarchie des valeurs. La belle-mère institue des rivalités, des limites, des obligations, ose des jugements, oublieuse des humiliations subies. Prendrait-elle une revanche ?
Le désir de réconciliation emprunte quelquefois des séquences répétitives de transaction au bénéfice d’une consolidation familiale. Les modes de communication, les rapports de pouvoir, la régulation de ces règles sont à décrypter car ils ont un sens caché, souvent celui d’un compromis entre des forces opposées à l’intérieur des familles d’origine de chaque partenaire, les identifications acceptées ou refusées, déniées, les représentations symboliques.
Les tâches domestiques en tout début de la relation ne constituent pas en soi une source de conflits. Avec la progression des activités professionnelles, la femme s’impatiente de ce comportement à toujours solliciter de l’aide pour le ménage, la préparation des repas, le linge, les courses, du côté d’un homme qui sort la poubelle et s’occupe du jardin. En appartement sa dépense d’énergie est à minima. Volontiers chauffeur, il a du mal à faire le lit, essuyer les meubles, faire la lessive. Face à l’ambivalence d’une épouse qui lui barre l’accès au fourneau de façon inconsciente en lui reprochant de ne point prendre d’initiative culinaire, il évite le four et l’évier jusqu’au jour où une injonction écrite lui intime l’ordre d’utiliser le cuiseur vapeur pour les légumes. Il mesure ce jour là l’ampleur de sa méconnaissance du rangement des ustensiles. Le mode d’éducation des garçons, malgré son évolution, n’a pas encore de façon systématique admis les tâches domestiques au quotidien dans la vie à deux ; pendant le célibat c’est chose acquise. La servante payée par l’épouse dispense des mécontentements et de la discorde. Combien de ménages peuvent se le permettre ? Les soins de puériculture du nourrisson, l’éducation des enfants, leur santé, viennent régulièrement bousculer les attraits de départ et interroger la force des liens. La collusion inconsciente est à l’oeuvre chez tous les couples qui trouvent à leur manière des compromis pour y faire face.
Quand les attentes et les désirs mutuels ne sont pas comblés, d’aucuns à tendance à se sentir disqualifié dans son rôle et dans son statut. L’absence de confort narcissique ébranle la structure du couple au point que l’insuffisance des satisfactions ne peut en assurer la survie et permettre la reconstruction de nouveaux liens. Les conflits qui n’engagent pas l’équilibre narcissique sont passagers et superficiels, ceux qui touchent chacun dans l’estime de sa propre valeur ou dans le sentiment de son identité ou de ses propres frontières, se fixent. La répétition de cette disqualification entraîne des lésions graves de la personnalité chez les sujets fragiles.
Les moyens les plus employés pour rendre l’autre fou, génèrent des situations anxiogènes qui sapent sa confiance en instillant le doute de ses propres perceptions de la réalité extérieure. En voici quelques-uns : l’interprétation de ses paroles qui détruit les mécanismes de défense protecteurs, la stimulation de la haine, de la colère chez un sujet impulsif, la provocation des paroles contradictoires en simultanée ou en alternance rapide qui crée la confusion ou des sentiments internes de culpabilité et d’impuissance. La répétition de ces actions crée une atmosphère sulfureuse, attise les divergences, met en place les germes de la violence conjugale qui n’incombe pas uniquement à celui dont le passage à l’acte est réel et visible.
L’évolution du couple passe par des étapes obligées :
- Une première période quasi fusionnelle où le partenaire est idéalisé, surinvesti ; il procure des bénéfices narcissiques intenses. L’amour aveugle autorise le déni de la réalité. L’autre est en soi, fait partie de soi, bon objet échappant à l’hostilité extérieure.
- Une seconde période où le refoulé fait retour avec l’insupportable vision d’un partenaire en qui on ne reconnaît pas l’amoureux. La phase aiguë le dévoile autre à travers l’amour lucide et malheureux.
- Enfin la dernière période où l’amorce d’un travail de deuil des qualités imaginaires idéalisées est nécessaire ; opération délicate et progressive dont la tentation de remettre à plus tard prolonge la souffrance. L’exigence de faire son deuil oblige à aborder les rives du désir, de son désir : l’attachement, le renoncement partiel ou total de certains aspects de la relation, la perte des bénéfices de la période de surinvestissement. Ce travail de deuil est indispensable à la maturation du couple et à celle des individus, obligatoire pour le renouvellement des liens avant la réorganisation d’un cycle de vie familiale, grossesse, construction de maison. Ce résultat de l’amour lucide et heureux n’arrive qu’après la renégociation de la distance, le rétablissement de l’individuation que la fusion avait altéré. La réussite ou l’échec du travail de deuil dépend de la réorganisation du lien ou de sa destruction.
La consultation de couple ne s’est pas généralisée. Elle est demandée quand il y a incapacité à dépasser le conflit ou à le résoudre.