L’évolution de la femme l’autorise à occuper aujourd’hui des postes de responsabilité dans le domaine des affaires, du social, de la politique. Des lois ont été nécessaires ; celle de la parité, du 1er mars 2022 qui publie l’écart entre femmes et hommes parmi les cadres dirigeants pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, introduction d’un quota dans un univers masculin où un simulacre du nombre masque parfois le rôle de figurante. Le rappel du droit se justifie par un énoncé de quelques femmes nommées à des postes de direction par unique décision d’hommes non conscients de leur position de pouvoir réitéré. Comme si, elles n’auraient pas su accéder toutes seules à ces places malgré leurs compétences, mesure de favoritisme s’il s’en faut. Démonstration est faite que l’avènement de la suprématie féminine ne va pas de soi. Celle qui réussit questionne autrui sur sa détermination à viser un statut dans un monde de rivalité au lieu d’une place unique à l’intérieur de la maison. Cela voudrait dire qu’en élevant la fille comme le garçon, on a accompli quelque chose de néfaste pour l’un comme pour l’autre, ou a-t-on fait de nouveau progrès dans l’incessante quête qui consiste à développer et à améliorer la nature humaine ?
Il est loin le temps où la différence des sexes cloisonnait, catégorisait, donnant la primauté à l’autorité naturelle d’un groupe formé au pouvoir. Mais quel que soit l’ouverture opérée, demeurent des comportements qui sont les indices d’une évidence qui dérange. On pourrait croire à une acceptation totale de sa position supérieure puisque la place occupée est un dû, elle l’a gagné à force de travail dans un enchaînement d’efforts continus, faire souvent deux fois plus pour y arriver que son homologue masculin. Mais le côtoiement n’est pas exempt d’entraves, d’équivoques obscures, d’un masque de la dépréciation, d’une agressivité feutrée à défaut de matraquage franc et son risque de riposte des caractères affirmés. En est-il toujours ainsi ? Oui et non. La cécité psychique protège de la réalité, évite les affrontements, crée l’illusion d’un monde saturé de bonté et de gentillesse. L’hypocrisie indispensable aux relations sociales devient un crédo aux résultats satisfaisants : se protéger de l’acrimonie et du ressentiment. Jusqu’à quand ?
Réussir n’est pas si simple qu’il y paraît : deux notions sont indispensables à sa qualification : la durée et la reconnaissance. La réussite éphémère telle une étoile filante crée un doute sur les possibilités de celui qui a émergé. Son affirmation cautionnée par l’extérieur conforte l’appréciation intimiste. Car on peut croire à sa réussite pour des raisons diverses, mais quand elle n’est pas reconnue, elle s’enferme dans une valeur limitative.
Réussir au féminin, c’est affronter les obstacles intérieurs et extérieurs. Le mode d’éducation, la catégorie socioculturelle, la région géographique sont des critères susceptibles d’influencer les choix futurs. Etudes courtes ou longues, grandes écoles, formation ou recherche immédiate d’un emploi sont des mécanismes de comportements individuellement modifiables. Des processus sont à l’œuvre dans la sélection du but et le dépassement du conditionnement et des peurs. Souvent les freins sont internes. Le manque de confiance apparent dans le syndrome de l’imposteur parce qu’elle ne se sent pas légitimée à défendre ses droits, la taraude. La femme inspirante doit trouver les ressources suffisantes au franchissement de ces deux obstacles majeurs.
En outre, les difficultés à concilier vie privée et vie professionnelle, jonglage permanent afin de ne point offrir sur l’autel du sacrifice la vie familiale, l’écartèlent. L’écart entre les sexes concernant les choix de l’avancée sociale se situe dans les postures de l’environnement dissuasif. Elle a pourtant les mêmes motivations que les hommes à travers le goût d’entreprendre, la recherche d’épanouissement professionnel mais l’accent est mis sur le recours au temps partiel et le congé parental quand la réticence veut balayer les arguments avancés. La norme d’un système de pensée est sous-tendue par la légitimité d’une fonction hiérarchique occupée par un homme. Soumis à des problématiques de rivalité, l’enjeu ne sera pas le genre comme pour la femme. Cette dernière doit faire face à des réactions de plusieurs sortes venant des femmes et des hommes, dans le domaine professionnel et dans la sphère privée.
On attend d’elle des déterminants. Elle doit s’approprier un ensemble d’attitudes valorisées pour occuper la fonction : être docile à l’égard des impératifs professionnels, accepter les horaires tardifs le soir, revenir de vacances en cas d’urgence. La bataille d’ego est un outil qu’elle devra maîtriser pour s’imposer. Mais la technique assumée de comptabilité et des finances dans le monde des affaires recouvre un réel intérêt pour l’argent.
Est-il aisé d’être dirigé par une femme ? A l’unanimité tout le monde répondra oui. Il n’en est rien. En insistant, les craintes se situent autour du manque d’autorité et de l’humeur versatile, bonne raison de lui mettre en second un doublon masculin. Dans l’entreprise elle se trouve en butte à trois formes de sexisme.
Le sexisme hostile qui d’emblée amenuise ses compétences en lui offrant un salaire plus bas que son homologue masculin. C’est une discrimination qui nie ses capacités, une disposition admise qui alimente et maintient l’inégalité. Des remarques sexistes l’accusent d’être une séductrice jouant de son charme à des fins de manipulation et de contrôle sur la faible gent masculine. Harcèlement sexuel allant jusqu’à la violence physique et morale, institution et collègue usent de ces procédés pour évincer celle qui dérange. La cause est à rechercher souvent dans la rivalité, la notoriété. Le système hospitalier privé et public regorge d’exemple de ce type de maltraitance. L’épaule ne doit pas dépasser la tête. En incluant la femme dans un registre d’incompétence, inapte à exercer le pouvoir, le contrôle patriarcal légitime la domination.
Le sexisme bienveillant apparaît comme une attitude positive qui glorifie la femme dans sa dimension de fragilité, de rôle conventionnel. Sa protection est indéniable puisque qu’elle est inférieure à l’homme sur le plan hiérarchique, donc moins capable. Le paternalisme protecteur est insidieux, difficile à débusquer, apprécié par celle qui se sent en sécurité avec son sauveur, jusqu’au jour où il agit, parle en son nom prend sa place. Non décelé, il amène la femme à se percevoir comme incompétente, rendant la différence des genres naturelle. Ce sexisme est en accord avec les valeurs égalisatrices imposées par les lois. Il participe au maintien des inégalités sociales entre les catégories sexuées dans le but d’établir et d’asseoir la sécurité des groupes sociaux par le biais du contrôle social, de l’ordre social, de la cohésion et de la préservation des valeurs traditionnelles. Sexisme hostile et sexisme bienveillant à leur manière, sont des organes de pénalisation de la femme qui menacent le système.
Le néo sexisme qualifié de sexisme moderne se dissimule sous l’apparence d’une reconnaissance de l’égalité femme/homme et nie en bloc la discrimination dont la femme est victime. Il réfute les demandes et les besoins des femmes qu’il juge infondé, par exemple les aménagements horaires, les vacances scolaires, le congé parental qui à son avis sont des traitements de faveur pétris d’exagération. L’égalité, c’est l’égalité ; point de différence. Le paternalisme dominateur dit librement que tout choix doit être assumé.
Les postures des femmes. Rivalité oblige, la comparaison d’élégance, la jauge du coût de l’habit, l’évaluation de la coiffure regard en douce, en disent long sur les sentiments cachés du monde féminin. La gagneuse doit donner l’impression d’être parfaite, robe parfaite pour femme parfaite dit la publicité. Très vite surgissent les plaintes d’un surcroit de travail imposé, révélatrices de la difficulté d’admettre comme responsable une femme. Si elle est jeune, elle est promue par concours interne, la rumeur féminine soupçonne une promotion canapé. Recrutée pour ses diplômes et compétences elle devra faire ses preuves parce que la théorie n’implique pas l’expérience de ceux qui travaillent là depuis longtemps. De toute manière une femme qui réussit mieux qu’un homme surtout dans le domaine masculin (les fédérations sportives par exemple) a perpétré un acte hostile et destructeur. Sa conduite sera d’autant plus destructrice que cette femme sera dotée de beauté et de charme. La femme au physique ingrat peut se voir pardonner son succès, mais plus elle est féminine, moins on lui pardonne. Sa présence constitue une menace dans la mesure où ses connaissances peuvent donner lieu à contrôle.
La bienveillance contrastée. L’impression que certains ont plus envie de mordre que d’embrasser, le furtif coup d’œil de la tête au pied sans animosité toutefois, donnent le signal de départ de paroles telles : « Je vous aime beaucoup, mais il y a plein de gens qui ne vous apprécient pas », ou « on vous voit partout, vous ne vous arrêtez pas ? » La perfidie des mots proférés calmement suscitent des réponses posées mais percutantes, ou un mépris silencieux ou l’égrenage d’activités prestigieuses à venir, selon l’humeur, le niveau intellectuel de la bouche perfide. La femme connue devra en permanence se surveiller, cataloguée comme modèle, on ne lui accordera aucun droit à l’erreur. Les demandes multiples qui ne peuvent être honorées, déclenchent agressivité et animosité, parce que le demandeur estime que cela relève du mépris, que sa personne n’est pas assez importante pour être prise en compte, un déplacement opéré par rapport à son problème personnel de dévalorisation de soi. Quand la présentation en public prend allure d’une déclinaison des mots tels star, icône sur un ton ironique, la volonté d’égratigner est en relief.
La femme inspirante, quel que soit son champ d’action, sait qu’il lui faudra affronter les obstacles. Quelques principes lui sont nécessaires :
Considérer isolément la condition des femmes sans considérer celle des hommes est peu équitable. Il est possible pour la société aujourd’hui de mettre à profit des dons propres à la femme autant qu’elle le fait pour l’homme, dans un large spectre de développement de tous les dons humains. Faire l’effort d’aménager la vie dans un monde bisexué pour que chacun y tire le maximum de profit de la présence de l’autre, devient urgent.
Fait à Saint-Claude le 11 mai 2022