La journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, n’a pas bénéficié de son retentissement habituel parce que la situation sanitaire, d’un mercredi l’autre a généré des indécisions, responsables des difficultés d’organisation. Elle s’inscrivait dans un programme étudié au moins six mois à l’avance. Ce rituel des rencontres des femmes depuis des années, un nombre d’hommes grandissant y portait de l’intérêt, a manqué. D’abord parce qu’il était nécessaire de faire le point sur les avancées juridiques et leurs applications, ensuite pour s’assurer que la relève était assurée par les filles qui venaient seules, démontrant que la glèbe avait levée et que la génération suivante portait le flambeau des revendications, nouvelles et anciennes non abouties.
L’invitation à échanger avec la ministre en charge des luttes contre le sexisme, les violences conjugales, les inégalités subies par les femmes dans tous les registres de la vie, ne laissait en rien présager de l’efficacité de l’entreprise de communication de ce qui allait suivre. La période électoraliste a emmené son lot de candidats dans cette région de Guadeloupe maltraitée, visiteurs pressés de vendre des promesses adaptées aux manques, avançant un Moi je, avec un programme oublié une fois élus, un faire-semblant connu, éventé depuis toujours, un théâtre de dupes accepté, codifié. Est arrivée madame la ministre Elisabeth MORENO dont le plan intelligent ne ressemblait en rien à une stratégie éculée, mais à un apport novateur, inédit.
La matinée a débuté à l’heure, par la réception des scolaires mis par petits groupes debout autour de plusieurs tabourets hauts, faisant face à la salle. Une arène constituée de la maitresse de cérémonie presqu’au coude à coude avec ceux qui allaient poser des questions, sur le même plan d’égalité, disposition identique à un jeu télévisé, (mode ludique), et en vis-à-vis un spécialiste qui descendait dans l’arène portant des compléments d’informations, en duo à une voix affirmée, citant exemples et chiffres : celle de la maitresse de cérémonie. Grande connaissance des sujets traités, maitrise de la distribution de paroles, modératrice du temps, ambiance calme et détendue, l’aventure de la rencontre est lancée. Filles et garçons sont interpellés sur des comportements réprouvés éloignés du respect et des convenances légales. Les mots sortent des bouches adolescentes pas du tout impressionnées, tant l’instant est mêlé de pédagogie et de naturel, sanctuarisation et posture empesée exclus.
L’espace du Cinéstar est occupé par une foule d’enfants ravie d’être là, loin des murs de l’école, posant des questions aux adultes et surtout à la plus représentative, celle qui parle un langage qu’ils connaissent, à leur portée, sourire sur le visage, bienveillance dans les réponses, debout, à côté d’eux, corps vêtu d’une robe rouge, couleur inscrite dans l’imaginaire collectif, signe de reconnaissance de la lutte pour la liberté. Qu’importe si elle n’en connait pas le sens, le fait est que les stratégies de la communication suggèrent aux candidats qui se présentent devant un jury, de porter une couleur neutre ou pastel, bleu ciel, beige, coloris dispensateur d’apaisement. Seulement quand on est en position forte, première de cordée, le vif de la couleur ne saurait gêner.
Les scolaires ont apprécié la forme et le fond, sans savoir décrire ce qui leur a plu : l’assurance de la ministre, son approche des problématiques, le timbre de sa voix, l’invite qui leur a été faite, l’atmosphère détendue, son évidente bienveillance, son charisme. Quelques-uns ont avoué qu’ils ont eu le sentiment de la reconnaître. On ne reconnaît que ce qu’on connaît ! Examen réussi selon leur évaluation, fierté d’avoir participé à une rencontre nouveau style, adaptée à leur attente.
Le passage dans l’autre espace dédié aux invités des tables rondes, les adultes cette fois, créneau horaire respecté, étaient réservé aux présidents d’association œuvrant pour le mieux-être des femmes. En grande majorité, les femmes présidentes, montaient sur l’estrade, à l’énoncé de l’intitulé de leurs créations associatives, par quatre au début, assises dans des fauteuils confortables, priées de dire leur action auprès de la population. On a entendu en une ou deux minutes, dans d’innombrables registres l’engagement des personnes à l’âge étalé, enthousiastes. Un défi réussi, applaudi, éloigné des lamentos des bâtons dans les roues, des restrictions budgétaires, des impossibilités. Nulle plainte, nulle accusation mais une cartographie de générosité On aurait dit une majestueuse première d’une pièce de théâtre. Mais une première sans répétition.
Quel talent, quelle tenue, tant de femmes réunies ; disant en peu de mots leurs projets aboutis, s’écoutant l’une l’autre. De l’accompagnement social, à l’oreille prêtée aux multiples difficultés, à la lutte contre les inégalités en passant par celle des discriminations de genre, toutes ces femmes pour quatre hommes, aident à la reconstruction de l’être, palliant les manques des politiques publiques. La vitalité de l’entraide et de la solidarité, en représentation. Cette assemblée a rempli plusieurs fonctions.
La reconnaissance du travail accompli bénévolement.
La valorisation des personnes
La démonstration des chaînes de solidarité
L’engagement des femmes et des hommes de ce pays
Après chaque résumé, un mot de félicitation, d’encouragement, sans ostentation, empreint de sincérité. Des mots semblables et différents rappelant que chaque association était unique. Madame MORENO remerciait les personnes de se préoccuper du mieux-être des autres. L’impression qu’elle n’était là que pour rencontrer et échanger avec tous et que rien d’autre ne comptait. Point de phrases non convaincantes d’améliorations immédiates de situations critiques et désespérées. Juste le rappel que le grenelle contre les violences faites aux femmes avait ouvert des lits d’hébergement et que les lenteurs administratives mettaient à mal l’impatience. Beaucoup restaient à faire dans différents domaines, mais que la volonté des femmes viendrait à bout des réticences et des peurs de l’égalité. Les personnes présentes ont apprécié l’absence de propagande rabâchée à l’approche des élections. Sa présence ne semblait pas avoir d’autres buts que la sincérité d’une visite/découverte d’une population tellement méritante.
Photo de groupe avec dames à la fin, au même titre qu’une photo de famille, oui famille parce que la caractéristique commune se dissimule dans l’absence des moyens qui ne doit pas être un frein à la méritocratie. Elle l’a dit : sa mère était femme de ménage, ils étaient six enfants. Contentement dans les regards brillants. Madame la ministre vous avez remporté tous les suffrages. Personne avant vous n’avait utilisé un style fédérateur, spontané, plein de délicatesse et de respect Au moment où la mauvaise gestion de la pandémie a érodé l’âme et charrié des fleuves de tristesse chez les vaillantes femmes guadeloupéennes, vous êtes venu leur dire qu’elles étaient nécessaires à la survie de tous, quelles conservaient leur incroyable courage, en les remerciant tout simplement d’exister et d’être là. Pas de hors sujet, les thèmes de la rencontre s’en sont tenus aux énoncés de départ. La rigueur sans ostentation, le maintien des créneaux horaires, l’approche chaleureuse ont contribué à la grande réussite de cette matinée tellement et appréciée.
14h30, l’inauguration de la maison de la famille et de la parentalité à Baie-Mahault a continué la présence, gravant le nom Elisabeth MORENO sur la plaque afin que chacun se souvienne de son passage et de la date de l’inauguration. Hébergement pour deux familles en situation difficultueuses, ce lieu bien conçu ne devrait être que le début d’une série où chaque municipalité serait garant de la santé psychique de la population. Evidemment d’aucuns n’a eu de cesse de rappeler que les institutions avaient des femmes à des postes de responsabilité, nommées par des hommes ; comme si, leurs compétences ne leur permettaient pas d’occuper ces fonctions sans une mise en place par le masculin. Autre manière de minimiser le savoir et la compétence féminine.
L’originalité de la rencontre ne pouvait répondre à toutes les interrogations et leur mise en débat. Une question, une seule aurait, peut-être, souligné le réel : « Face à la disparité des conditions sociales, quels leviers actionner afin que l’égalité des chances ne reste pas un concept inventé pour se donner bonne conscience ? »
Fait à Saint-Claude le 14 mars 2022