Le stress au travail

Publié dans Le Progrès social, n° 2630 du 15/09/2007

Le taux d’absentéisme dans les institutions publiques ou privées ne subit pas de courbe descendante. Les plaintes donnant lieu à une demande de prise en charge psychologique, concernent les difficultés au travail de personnes employées depuis un certain temps dans l’entreprise. La situation de stress dans laquelle elles se trouvent a des incidences sur leur vie privée et empoisonne leur existence.

Pourquoi le stress et quels sont les éléments qui le génèrent au travail ?

Le stress se définit par un état de tension émotionnel, un choc psychologique alimentant de l’angoisse qui se répercute au niveau du corps. Les réactions sont diverses selon la personnalité, l’âge, le sexe et la durée de l’agent stresseur. Le stress intervient quand la réponse individuelle n’est pas assez efficace pour dépasser et digérer ce qui est vécu comme une agression. Les facteurs favorisant le stress sont de deux ordres :

1) Les relations interpersonnelles  

La rencontre avec le patron, le collègue, est quelquefois déterminante. L’accueil, s’il n’est pas satisfaisant, peut influencer la posture de l’arrivant. L’absence de chaleur, la rapidité de la réception, le défaut d’accompagnement sont ressentis comme de l’indifférence, laissant une blessure, reproduite par la suite. «  J’ai eu l’impression d’être un travailleur avant d’être un être humain. » Celui qui est reçu main tendue, sourire aux lèvres, avec un mot le mettant à l’aise se repaît de ce climat de sérénité, tout disposé à se mettre au service de la tâche à effectuer. La mise en confiance s’installe depuis le premier entretien et détermine les futurs liens. L’accueil est une donnée dont l’effet miroir s’inscrit plus tard dans la relation à l’autre, puisque les conflits naissent à partir de petits riens. La mémoire garde l’impression de ce moment décisif pour lequel l’association ne se fait pas quand surgissent les difficultés. Accueillir c’est éviter d’entrer en collision.

La distance mal gérée induit une familiarité qui à la longue est sujette à problèmes. L’affect est au premier plan et insérés dans une proximité nocive, les sentiments prennent le dessus faisant oublier l’univers professionnel. Le laxisme du comportement envers celui avec qui la relation est fusionnelle ne permet pas une prise de position ferme. Au détriment des autres salariés, il va bénéficier d’un régime de faveur critiqué. Le jour où il n’est plus entouré de cette protection parce qu’il déplaît ou déçoit, la déception donnera lieu à un passage à l’acte impulsif. La réaction est à la hauteur de la perte du privilège.

Ces attitudes insuffisamment pensées s’inscrivent dans une continuité de stress parce qu’elles se comprennent sur le mode du rejet. L’excès de sentimentalité empêche le temps de la réflexion et l’élaboration de l’analyse. Impossible quelque fois de rompre avec ces débordements et de revenir à une relation normalisée. L’impression pour les autres d’une injustice : «  Moi j’accomplis mon travail alors que l’autre glande, parce qu’il est protégé m’irrite. » va induire un certain marasme. La réalité d’une inégalité au travail non par favoritisme produit le même effet. Ou parce que la fragilité d’un individu ne lui permet pas de suivre le rythme, ou parce qu’il est inapte à cette tâche, le collectif s’exacerbe.

Le pouvoir et sa structure pyramidale est fonction d’une volonté d’abolir les initiatives et de maintenir le schéma domination/soumission. Le respect n’est pas toujours de mise et le stress des cadres se répercute sur les salariés ( cf Le petit chef, N°2344 du Progrès Social. La pression augmente si l’employé organise une résistance et tente de prouver son existence. Le racisme, le sexisme sont des facteurs entretenant le stress d’autant plus qu’ils sont difficiles à prouver. Les victimes se taisent par honte

d’être dans une spirale qu’ils estiment infâmante. Ils traînent les pieds pour aller au travail. Parfois des atteintes à la dignité de la personne installent une atmosphère malsaine telles les aboiements d’ordre, des incivilités, le mépris. L’esprit chef est ravageur dans une île où changer de lieu de travail devient un exercice compliqué. La mise au placard, les humiliations devant le public, détruisent à petit feu les plus velléitaires. Les violences scolaires et les incivilités ont le même impact émotif.

Composer avec la rivalité des collègues reste une banalité quand au niveau de l’imaginaire la méchanceté et la jalousie d’autrui sont des systèmes explicatifs de l’échec. Mais quand même, à l’observation, la rétention d’information est un des indices révélateur de cette compétition. La non transmission du matériau de travail crée un supplément de tâches et une perte de temps. Il peut mener jusqu’à la négation de la compétence de celui dont la valeur est reconnue. Le priver de cet outil est le mettre dans une situation de non-reconnaissance. Une espèce de négation ou de mort comme la privation de nourriture.

2) Les mauvaises conditions de travail

Généralement les syndicats dénoncent les conditions de travail auxquelles sont soumis les salariés. Mais dans les cas d’exiguïté des locaux, d’absence de ventilation suffisante, de chaleur insupportable, les revendications restent lettres mortes. Et le bruit influe sur la vigilance, le rendement, les accidents de travail. Ne rien obtenir de l’indispensable demandé, quand on manque de l’essentiel érode l’ardeur au boulot.

Une éducatrice confie : «  J’achète le matériel pour faire dessiner les enfants en difficultés. » Lassitude qui s’installe, démotivation, non-reconnaissancee : un chapelet égrené jour après jour. L’existence d’un matériel inadapté ou obsolète ne justifie pas de renouvellement. La qualité et la performance sont en jeu.

L’introduction de nouvelles technologies et une formation rapide et insuffisante accroît l’ampleur du stress. Crainte de ne pas être à la hauteur, de faire des erreurs. Craintes non exprimées à haute voix surtout si la demande de modification horaire est en cours. L’inadéquation des horaires et de la vie privée est génératrice de stress. Comment récupérer l’enfant à l’école certains jours ? L’horaire obligé constitue une frustration, non ajusté il produit un mal-être.

Comment se manifeste le stress ?

Sous de multiples formes. En première instance arrivent le manque de motivation, l’affaiblissement intellectuel. Puis les réactions psychologiques : anxiété, dépression débutant par une perturbation du sommeil, une perte de l’appétit, une grande fatigue et des troubles de l’humeur. L’irritabilité est un signe avant-coureur, comme l’instabilité émotionnelle, d’une détresse qui n’est pas perçue comme grave.

La réponse à la pression relève d’une stratégie individuelle d’ajustement. Celui-ci répondra par la passivité, cet autre par une agressivité. L’agressivité sert à anticiper l’agression que l’on craint. Elle permet de d’enrayer la situation d’emprise dans laquelle on se trouve. Ici l’agressivité est un signe clinique de la dépression. Le corps hurle aussi sa souffrance : le cœur s’emballe, la fréquence cardiaque s’accélère ou ralentit. Le rythme respiratoire diminue, l’ulcère d’estomac met les nerfs à vif. La recto colite, l’aérophagie, la vésicule biliaire génèrent du désordre dans des entrailles malmenées. Les contractions musculaires, l’hypertension, semblent des phénomènes de résistance qui ont échoué et qui se répercutent dans l’organisme comme pour en garder le souvenir.

Etre confronté longtemps à des frustrations et à des difficultés sans issue, aboutit à une déshumanisation menant à l’épuisement professionnel et quelque fois à l’alcoolisme.

Publié dans Le Progrès social, n° 2630 du 15/09/2007

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