La Soulagerie est opérationnelle depuis la première semaine du mois de mai. Ce concept innovant est investi par une population de tous âges de 15 à 92 ans, de toutes catégories sociales, d’horizons divers.
Le néologisme Soulagerie a été crée comme le concept dans une volonté novatrice, en adéquation avec la modernité, correspondant à un besoin d’une réalité de plus en plus souffrante.
La Soulagerie qu’est-ce que c’est ?
D’abord un lieu où libérer la parole quand l’insupportable submerge. A qui confier l’annonce brutale d’une maladie grave ? Puis une voie de dégagement d’expulsion de l’agressivité, de désamorçage émotionnel. Une volonté de dire du plus banal au plus grave, enfin un dépose fardeau trop lourd à porter, permettant d’y voir un peu plus clair dans le décours d’un vécu douloureux. A l’usage il fait fonction de lieu d’émergence du désir et même de lâcher prise. Le lâcher prise est une méthode particulière utilisée au chevet d’un agonisant qui n’en finit pas de mourir. Le secret parfois oppressant qui l’empêche de passer de vie à trépas, ne se confie pas aux proches. Son dévoilement en présence du psychologue permet à la mort de survenir très rapidement.
La motivation qui l’a élaboré pourrait se résumer par un jour, une rencontre. Les consultations externes au Centre médico psychologique étaient codifiées par des rendez-vous, ordonnançant le flux des personnes. Au moment d’aller quérir un client dans la salle d’attente, l’infirmier a dit n’avoir pas eu le courage de refouler la femme qui demandait à me voir. Son regard reflétait une telle détresse que la décision de la recevoir fut immédiate. Elle était partie de chez elle, embarquant ses deux enfants dans la voiture avec dans l’idée de les précipiter avec elle dans le vide à la pointe de la grande vigie. Chemin faisant, elle décida de s’arrêter au CMP. Aujourd’hui, elle va bien, les enfants ont grandi, l’aînée a entrepris des études.
L’évidence alors d’une autre chose à faire, à mettre en place, un endroit d’accès plus facile pour éradiquer la désespérance semblait indispensable. La consultation unique sans suivi et une possible orientation vers un CMP si se présentait l’évidence d’une pathologie, avait germée de longs mois. La Soulagerie a été pensé en fonction de ces paramètres.
Définir un concept par ce qu’il est n’est pas suffisant. Il est important de préciser ce qu’il n’est pas, afin d’échapper à tout malentendu et ambiguïté.
La Soulagerie n’est pas :
- Un lieu de thérapie brève où on entre avec un problème et où on ressort avec le problème augmenté d’une énigme.
- Un centre de tri car aucune connexion n’est établie avec des institutions de soins
- Un lieu d’évaluation psychologique avec des tests de référence
- Un groupe de parole
- Un espace de conseil psychologique ou social
- Un lieu de prise en charge à court ou moyen terme
Nul n’est besoin de rendez vous préalable, il suffit d’attendre son tour, au carrefour des solidarités à Saint-Claude, le mardi de 14 à17 heures et le mercredi de 09 à 13heures, ou revenir la semaine d’après quand la nuit oblige la porte à se refermer.
Pourquoi la Soulagerie ?
L’environnement physique, professionnel, relationnel est de plus en plus générateur de stress. La modernité avec ses maux nouveaux, n’accorde pas de place à la sympathie pas plus que dans les temps d’antan ou le proverbe « Pa wakonté mwin pèn, pèn ka twapé »en disait long sur l’évitement de la souffrance d’autrui. L’augmentation des tracas et des cadences imposés par les tâches professionnelles, le harcèlement au travail, le harcèlement sexuel, la pression des performances exigées, l’isolement, les femmes autant que les hommes ressentent le besoin d’une oreille bienveillante. Avoir quelque chose à dire à quelqu’un sans jugement, sans dévoilement de ce qui est confié, devient une priorité très actuelle. L’indifférence ambiante, le téléphone portable collé à l’oreille de celui à qui on s’adresse, contient l’envie de parler. A qui dire ? L’augmentation des violences intra familiales, corollaires des violences conjugales, l’omerta imposée, ankiste l’angoisse jour après jour.
A la Soulagerie, chacun d’une même famille individuellement peut venir raconter ce qui étouffe, une seule et unique fois, alors que dans la prise en charge psychanalytique ou psychothérapique, la règle implique un thérapeute par personne et non un par famille (thérapie systémique exceptée.)
Après un mois et demi d’existence, un constat permet d’analyser de façon succint son fonctionnement. Les femmes sont majoritaires, elles viennent de partout, empruntant les voies terrestres, maritimes, aériennes, faisant reculer les frontières imposées par la mer. La population générale utilise l’outil de prévention à bon escient. La durée de la consultation oscille entre une et deux heures en moyenne. Les hommes malgré les statistiques qui révèlent leur taux de mal-être, sont moins nombreux. Les familles saisissent l’opportunité de dire l’indicible. Les femmes plus que les hommes sont soucieuses de leur santé parce qu’elles sont conscientes de leur responsabilité s’agissant de l’élevage des enfants, de la place occupée dans l’espace social, de la volonté de changer la représentation de fragilité véhiculée par des générations. Elles se préoccupent de leur confort psychique et investissent ce lieu de décharge émotionnelle. Déposer le fardeau afin de continuer et d’avancer avec plus d’assurance, envisager la reconquête de l’estime de soi mise à mal par violences et brimades, accéder à un peu de sérénité tels sont les buts rechercher.
Etendre le concept d’écoute aux autres municipalités doit être faisable vu le succès rencontré. Certains critères sont indispensables : être thérapeute diplômé, accepter les règles de fonctionnement et la méthode employée. Tout cela demande une organisation s’agissant de confrères qui ont une vie construite et bien remplie dont le temps de bénévolat est à programmer surtout que l’engagement sera définitif.
Le destin de la Soulagerie est de franchir les mers et de s’exporter.
Après ces jours de réception et d’écoute, le principe de la consultation unique semble convenir aux usagers qui n’auraient jamais poussé la porte d’un centre médico psychologique pour raconter l’embarras d’une vie, un marasme sans mobile apparent, la solitude, l’isolement, l’échec, la déception ‘du ratage d’un destin rêvé, et aussi la sorcellerie des autres. Cette réalisation a pu s’édifier grâce à un partenariat avec la municipalité de Saint-Claude et la bienveillance de son maire sensible au mieux être de ses concitoyens, qui a mis à disposition un espace très agréable et dont le budget n’a nécessité aucune dépense.
Hélène MIGEREL, Saint –Claude, le 17 juin 2018
Bonjour Hélène
et bravo pour cette belle initiative !
Viendras-tu nous en parler en Bretagne un jour?
Bien à toi,
Daniel
Je pense que ce concept novateur pourra inciter plus d’hommes ( dont beaucoup sont en souffrance), à venir déposer leur(s) fardeau(x) en faisant fi du « qu’en dira-t-on », d’un orgueil mal placé…
Bravo pour cette belle initiative qui devra faire des émules j’en suis sûre…