A l’honneur

Lundi 27 août lors de la fête patronale de Saint-Claude, la municipalité a tenu à me mettre à l’honneur en me remettant deux trophées : l’un pour mon indéfectible engagement aux côtés des citoyens en souffrance, l’autre la médaille de la Ville en m’y sacrant citoyenne.

 

• Maître Evelyne DEMOCRITE, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats a introduit cette manifestation par la présentation ci-dessous.

Paul Eluard disait : « Dans la vie, il n’y a pas de hasard. il n’y a que des rendez-vous. »

 

Ma rencontre avec Hélène Migerel en fut un déterminant.

Il y a plus de 2 décennies, la voix et le visage d’une femme intervenant régulièrement sur les médias m’interpellaient et m’intriguaient.

Et j’avais le secret désir de la connaître.

Et un jour, j’eus la surprise de recevoir un appel d’elle me faisant part de son souhait que je participe en tant que professionnelle du droit à un projet de film sur la santé mentale qu’elle était en train de réaliser ; film qui par la suite fut primé au Festival de la Caraïbe.

J’ai su bien des années plus tard qu’elle m’avait entendu à l’époque lancer un appel sur les ondes en tant que présidente du Zonta afin de nous aider à prendre en charge un bébé atteint d’une tumeur au cerveau et dont la mère âgée de 16 ans originaire de Sainte-Lucie n’avait pas les moyens de le faire hospitaliser dans son pays.  

Depuis ce jour, nos routes ont emprunté des voies similaires et elle nous accompagne mon club service et moi avec la générosité qu’on lui connaît, nous apportant son soutien indéfectible lors des conférences que nous organisons dans le cadre des violences faites aux femmes et aux mineures, tant sur le plan physique et psychologique que sexuel.

Mais faut-il s’en étonner ?

Madame le maire, mesdames, messieurs les élus, chers invités,

J’ai le privilège de vous parler d’Hélène Migerel une femme d’exception, à l’intelligence lumineuse, dotée d’un esprit vif et éclairé. Ceux qui la côtoient reconnaissent ses qualités remarquables et l’expertise indéniable dont elle fait preuve dans tous les domaines qu’elle choisit d’explorer.

Figure emblématique de notre pays qu’elle a su mettre à l’honneur, elle brille par la pluralité de ses talents.

Docteur en sciences humaines et réalisatrice, anthropologue et psychothérapeute, psychanalyste et écrivaine : son parcours est d’une richesse extraordinaire.

• Sa vocation : être au service de l’humain
• Son stimulant : l’amour de son pays
• Son cheval de bataille : participer à l’émergence d’une société plus juste, plus cohérente et cela passe par l’accompagnement des personnes qu’elle encourage, principalement les femmes, en raison de son engagement.

A travers ses écrits, elle nous fait partager sa vision de la société guadeloupéenne, sur nos us et coutumes, abordant un thème jusque-là peu traité, à savoir celui de la sorcellerie.

On peut citer parmi ses ouvrages :

– La migration des zombis. survivances de la magie antillaise en France ;

– La sorcellerie des autres. Une pathologie de l’envoûtement ;

– et aussi, Mots de terre en miettes. La Guadeloupe l’âme à nu.

Elle s’est lancée avec bonheur dans la réalisation de plusieurs films au nombre de six sur la santé mentale dont deux ont été primes au Festival du film en santé mentale :

• les rites d’eau
• alcool, grossesse et tabac.

Elle pose un regard bienveillant, mais d’une acuité acérée sur nos souffrances, celle du corps et celle de l’âme.

Grâce à sa grande maîtrise des problèmes sociétaux, elle nous donne la clef pour décrypter nos peurs et les transcender et nous aide ainsi à nous libérer des croyances qui nous empoisonnent et empoisonnent nos vies.

Femme de renom, chercheur émérite insatiable, experte reconnue au niveau national et international, elle a fait paraître par moins de 45 publications scientifiques.

Guadeloupéenne avant tout, elle a toujours consacré à notre pays ses analyses approfondies. C’est ainsi qu’elle peut s’enorgueillir de 215 publications hebdomadaires dans le journal Le Progrès social et plus de 355 articles de vulgarisation sur Facebook.

Sa belle carrière est jalonnée des nombreuses conférences dans le monde entier sur tous les sujets prenant en compte les faits de société.

Hélène Migerel est celle qui a été à nos côtés chaque samedi après-midi, des mois durant pendant toute la période Covid et post Covid avec Marvel, nous aidant avec une compatissante objectivité à traverser ce traumatisme collectif affectant la société toute entière que ce soit le personnel de santé en activité ou suspendu, les familles confrontées à la mort de leurs proches, les personnes touchées par les violences intra familiales et tout particulièrement les femmes et les enfants.

Elle a été sur tous les fronts. Infatigable, me direz-vous.

Comment trouve-t-elle le temps de prendre soin d’elle ?

Quel est son secret ?

Je pense pouvoir dire sans me tromper qu’elle puise son énergie, sa vitalité en restant toujours connectée à notre Mère nature, en utilisant sans modération les trésors qu’elle met à notre disposition et en les partageant avec ses proches en amie fidèle et attentionnée.

Mais l’une de ses plus belles réalisations, sa pépite d’or est sans conteste : la Soulagerie.

Issu d’un concept novateur qu’elle a mis personnellement au point et qui n’existe nulle part ailleurs qui permet lors d’une unique consultation, gratuite, anonyme, de se libérer des fardeaux qui pèsent si lourdement sur l’être et sont sources de tant de troubles physiques et psychologiques.

Telle une magicienne, notre doctoresse, avec son savoir-faire hors norme, apporte dans l’équilibre et la mesure, la dose d’écoute qui permet à chacun de reprendre sa route, en se sentant plus léger.

Hélène est une âme qui semble être née pour soulager.

Une missionnaire douce mais puissante toujours aux cotes de ceux qui souffrent.

Une très belle actrice disait « il y a des voyages qui se font avec un seul bagage : le cœur ».

La Soulagerie palpite d’un cœur aussi immense que le cœur de celle que nous honorons ce jour.

La Soulagerie accueille les bras grands ouverts tous ceux qui franchissent son seuil :

• les enfants (et nous savons combien le taux de suicide est en augmentation chez les jeunes)
• les femmes
• les hommes
• les couples
• les familles.

Elle n’a pas de frontières. Les personnes viennent de toutes les communes, mais aussi des îles avoisinantes et même de plus loin au-delà des mers.

Et nul, franchissant son seuil ne repart sans avoir pu libérer sa parole, et ce quelle que soit l’heure, fut-elle tardive.

Merci Hélène pour cette totale abnégation.

Cependant, cette merveilleuse aventure qui a pris naissance en mai 2018 n’aurait pu voir le jour sans l’adhésion du chef d’édilité de l’époque de cette très belle commune de Saint-Claude, M. Elie Califer, cet humaniste soucieux du bien-être de sa population qui a su dans sa grande sagesse prendre la mesure de ce trésor qui lui était porté sur un plateau d’argent par une femme qui nous touche si profondément et dont l’ambition est d’être au service des autres et de la société guadeloupéenne.

Puisse cette commune de Saint-Claude servir d’exemple à beaucoup d’autres et puissions voir fleurir d’autres Soulagerie.

Madame le maire, aujourd’hui, en honorant cette femme exceptionnelle, vous faites mentir le dicton selon lequel « nul n’est prophète dans son pays », car je sais que sa plus grande fierté est la reconnaissance des siens.

Ma très chère Hélène, la Guadeloupe est très fière de toi et de l’œuvre que tu co-construis avec elle.

Mille fois mercis.

 

• Mon intervention

L’hommage qui m’est aujourd’hui rendu a une résonnance particulière. Saint-Claude c’est la ville où je suis née, où l’air qui s’est engouffré dans mes poumons pour la première fois aidé en cela du premier cri, m’a instillé une détermination qui n’a jamais disparu, je crois. Déjà dans le temps d’adolescence, je voulais changer le monde. L’âge de raison a détourné l’ardeur lui donnant un contour acceptable. A défaut de le changer, je pouvais faire en sorte que l’existence des personnes aux histoires douloureuses accèdent à un mieux-être. Le choix de la psychanalyse interdit d’avoir recours aux généralités puisque chaque cas est un cas particulier. Quand la banalité de la vie est frappée par un évènement inhabituel, étrange, anormal, singulier pour chacun, occasionnant une rupture du quotidien, cela entraîne parfois des exigences d’instanéités. Comprendre l’expression de la culture, la décrypter, pour mieux soigner s’avère nécessaire.

Partie longtemps, très longtemps, ces mots emprisonnés dans ma mémoire ont accompagné mon parcours doctoral : « Quand on est femme et noire, on doit faire plus que les autres et mieux. » Je me suis volontiers soumise à ces deux diktats, faire mieux et plus. Le retour décidé, il m’a semblé indispensable d‘établir des objectifs à atteindre pour le pays. Ma priorité a été de modifier le regard, la représentation, porté sur la personne atteinte de trouble mental. Le but étant de l’intégrer dans la cité au même titre que tout un chacun, la re-humaniser. Ma participation au sein des différentes structures de soins l’a permis. La Soulagerie est venue comme une finalité, en permettant de libérer la parole lorsque l’insupportable submerge. Toute parole peut être dite en libre choix. Cet espace qui se trouve dans l’enceinte du CCAS, a naturellement souscrit à une fonction non programmée au départ, celle de l’alliance avec les remarquables agents de la structure dans le traitement de dossiers difficiles. La maladie mentale devenant de plus en plus une maladie du social.

Mon deuxième objectif a été celui de la valorisation de l’être guadeloupéen en quête d’identité, de repères, en faisant miroiter des facettes ignorées de lui-même. Des complices médiatiques m’ont beaucoup aidé : Sylvie GENGOUL, Eric RENE, Véronique POLOMAT, Jean-Marc THIBAUDIER, Michel MARVEL avec qui 15 ans d’émissions radiophoniques en créole n’ont pas épuisé les sujets, YASSER pour les plus assidus. Les autres avec qui j’ai aussi travaillé me pardonneront de ne point tous les citer.

Entre écriture et conférences, la rencontre des petits et des adolescents scolarisés, pave la voie au champ des possibles en les incitant à vouloir réussir, renforçant l’estime de soi. Je voudrais que les jeunes générations ne fassent pas plus et mieux, mais autant. Ces deux objectifs atteints sont gravés au frontispice de mon site : « Faire de chaque jour de ma vie quelque chose d’utile et d’agréable. »

Voici venu le moment de dire merci pour cette reconnaissance qui me renforce dans mon groupe d’appartenance, cimentant mon inscription dans une ville où il fait bon vivre à la rencontre de l’excellent accueil réservé à tous. A la mairie sourire, à la pharmacie, à la boulangerie, à la police municipale, sourire, à la médiathèque, au CCAS sourire plus. Une gentillesse naturelle doublée de bienveillance à l’image de la maire madame Lucie WECK qui est une bonne mère. Lors de la réception des sinistrés de Fiona et de la difficile mise en place de leur relogement, elle eut ces mots reflétant son attachement à ses concitoyens : « Chaque fois qu’il pleut je pense à vous, j’ai du mal à dormir. » Face au risque de glissement de terrain, sa doctrine a été de convaincre et jamais de contraindre. Une maire à l‘écoute, attentive aux besoins ; démontrant que la politique est l’art du possible. Responsabilité, bienveillance, les habitants ont en partage ces qualités retrouvées chez les réservistes, femmes et hommes bénévoles de moins de 50ans, premiers à s’inscrire sur une liste qui consiste à venir en aide à la population en cas de catastrophe naturelle. Des humains ordinaires qui répondent présents face à une situation extraordinaire.

Vous aurez compris que j’aime ce lieu déposé dans un écrin de verdure, où règne une atmosphère de sérénité loin des turpitudes et des turbulences des grandes agglomérations.

Merci ma ville de m’embrasser si fort en m’accordant le statut de citoyen dont je suis si fière.

 

Fait à Saint-Claude le 1^er septembre 2023