Les grands travaux

Publié dans Le Progrès social n°2591 du 09/12/2006

L’élévation du niveau de vie d’une région se mesure non seulement au revenu par habitant (PIB) mais aussi au nombre et à la qualité de ses aménagements publics  (réseau routier, équipements sportifs, espace culturel, établissements scolaires.)

Depuis des années les travaux sur la nationale N°1 menant de Basse-Terre à Pointe-à-Pitre ralentissent le flot de véhicules aux heures de pointe, portant ceux qui prévoyants, partent régulièrement en avance soucieux d’arriver à l’heure au travail et qui une fois sur trois stationnent à la hauteur d’une commune durant de longues minutes voire une demi-heure sans informations jusqu’à apercevoir le panneau «  La Région travaille pour vous », transportant ceux qui toujours à la bourre savent qu’il est inutile de vouloir être ponctuel quand un seul chemin relie les deux villes principales ( la route de la traversée est souvent impraticable en temps de période diluvienne) et que des ouvriers s’acharnent à en refaire le revêtement qui ne tiendra que quelques mois.

Le recommencement de ces tâches pénibles et répétitives n’incite pas à avoir le cœur à l’ouvrage. Les énormes trous se reforment au même endroit n’épargnant les pneus que deux ou trois semaines ; faisant crisser les freins au dernier moment de surprise (les choses ont peut-être une mémoire) déportant la voiture à la limite des profonds caniveaux, avec un risque encouru par l’asphalte mouillé. Les municipalités utilisent les mêmes matériaux pour colmater le ravinement des chaussées et les excavations invisibles le soir venu ( l’éclairage des routes est rarissime) transformant en chemins creux des routes que le contribuable finance dans l’aide à l’Etat imposée.

Ravitaillés à le même enseigne, Région et municipalité pourraient s’entendre pour changer de fournisseur. Le matériau d’enrobement ne tient pas. Depuis les éboulements provoqués par le séisme de 2004, quand il pleut une nuit un jour, des torrents de boue dévalent la pente entre Trois-Rivières et Gourbeyre mettant en danger les véhicules et les gens ne possédant aucun contrôle de la direction assistée ou non. Les petites cylindrées obligées de se rabattre sur les bas cotés attendent que le déluge s’apaise pour repartir à l’assaut de la côte abrupte et glissante, d’autres plus puissantes tentent le tout pour le tout dans l’impossibilité d’engager une marche arrière et un demi-tour. Ne pas s’affoler, avancer vaille que vaille, être prêt à éviter celui qui descend, espérer arriver autre part qu’à l’hôpital en gérant au mieux le passage de cette route/tourment. Le singe moqueur de l’arbre ne s’aperçoit  pas, il se cache apeuré. Pas de panneau «  La Région travaille pour vous » en ce lieu, elle pourrait pourtant !

La méfiance a tenu en alerte les usagers du tronçon à double voie de Capesterre, très pressés d’atteindre l’un ou l’autre rond-point la limitant, parce qu’à la construction, ce pont s’était effondré, il était tombé après sa mise en place ; heureusement qu’il n’était pas encore praticable. Les voitures sont suffisamment dangereuses, et si les équipements et la circulation le sont, il ne reste qu’à se coller des ailes comme les anges.

L’affaire des ponts ne saurait être traitée à la légère. La ville de Basse-Terre est entourée de rivières surmontées de ponts. Venant de Gourbeyre, trois possibilités sont offertes aux automobilistes : le franchissement de celui des marsouins menant à Saint-claude, celui du galion en direction du quartier du Champ d’Arbaud, celui longeant le fort Delgrès et débouchant sur le boulevard maritime. Le pont du Galion est en voie de consolidation, celui des marsouins est si étroit qu’il suffise qu’une voiture se rebiffe, n’avance pas, pour créer un embouteillage monstre. Le dernier à bénéficier de l‘aménagement du boulevard maritime noyé sous les eaux à la moindre pluie, occasionnant des ralentissements, le côté droit de la route côté mer se transforme en mare profonde. Les moteurs non amphibies des voitures serrent à gauche, négocient l’avancée en épi selon la compréhension et la bonne volonté de celles d’en face. Ce lieu est enchanteur malgré les actes de vandalisme perpétrés contre les superbes jarres au ventre rond cassées ou enlevées, malgré la houle destructrice et des palmiers à la merci du vent. Il conserve un air de majesté avec ses lampadaires alignés le long de la promenade fréquentée par les personnes de tout âge.

Prendre l’air et le frais, humer les embruns de la mer en dégustant un sorbet au coco/tradition tourné à la main, mis en timbale plastique remplaçant les délicieux cornets, tourner autour du kiosque à l’atmosphère joyeuse de fête face aux chevaux prêts à bondir aux quatre coins cardinaux sous l’égide de la colombe de paix, puis apercevoir la statue de Gerty Archimède dos tourné au tribunal[1] où elle plaidait avec succès, laisser circuler le regard du marché à la gare routière, admirer toute cette édification dont le plan d’entretien doit être inexistant puisque l’eau du ciel crevé stagne et cause de la gêne.

Quand une entreprise construit un ouvrage public, elle pourrait au moins proposer un contrat d’entretien et le respecter. Les choses non entretenues s’abîment, se détériorent à l’instar des maisons qui tombent en ruine parce qu’elles sont abandonnées depuis longtemps et que leurs façades lépreuses soulignent les négligences des  propriétaires non recherchés par manque de plan d’entretien et d’embellissement de la cité. Un concours de «  façades joyeuses » pourrait être une émulation à la conscience d’un patrimoine commun, méritant la participation de chacun. Une exception : les monuments aux morts conservent leur belle allure proprette afin que la gerbe annuelle du 14 juillet se prélasse d’aise à leur pied.

Des établissements scolaires qui abritent des enfants huit heures de rang, sont obligés d’être montrés à la télévision tant leur insalubrité est choquante. Des touts petits pourraient être mordus par des rats, arrosés par la « fifine » en absence de préau, blessés par un plafond effondré durant le week-end ( par chance.) Comment et à quelle fréquence sont testés ces bâtiments afin que l’affaissement ne soit pas aussi dommageable que celui d’une partie de l’aéroport d’Orly ? Peut-être que l’urgence consiste à rassurer les populations qui n’ont pas d’alternative à la scolarisation des enfants. Ils écoutent ces discours rabâchés sans un trémolo de doute dans la voix. Se persuadent de la compétence des experts convaincus de la sécurité des lieux. Il n’y a pas de quoi s’affoler à considérer la démonstration magistrale du danger représenté par des tours de Pointe-à-Pitre qui ne sont pas aux normes sismiques, chose avouée publiquement, et dont les travaux de consolidation n’ont jamais été entrepris. Elles sont habitées. Mais puisque les tremblements de terre ne sont pas prévisibles, vingt ou trente ans de tranquillité ne sont pas négligeables. Si par déveine ? Non et non, ce n’est pas pensable !

De plus en plus les plantations florales agrémentent les jardins, les petits parcs, les bords des chemins, les abords des stades, les rond-point. Lantana de toutes les couleurs, bougainvilliers, alamendas et autre joliesse mettent une note de gaieté dans la monotonie et la verdure du paysage. Non taillés, ils disparaissent sous les herbes ou griffent bras et visages quand ils se penchent vers les trottoirs, surtout les immortelles aux épines agressives. Les espaces verts incitent à la contemplation et leurs composants n’ont pas à être nuisibles aux passants.

Les travaux interminables ont une cause. La prévision exige une organisation et une concertation entre les différents organismes appelés à intervenir sur le même site. Ce n’est qu’une question de cohésion.

L’entretien, dans tous les domaines semble ne pas être une priorité. Cependant le niveau de vie d’une région se mesure à cela aussi.

[1] Après la publication de cet article, la statue de Gerty Archimède a été tournée visage face au  tribunal et dos à la mer.

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