De sentiers en chemins creux, se profilent loin des plages léchées par la mer, des pans d’une histoire de la Guadeloupe oubliée. Ici des ruines envahies par une végétation qui reprend ses droits, racontent un temps où cet hôtel balafré d’inscriptions récentes, a abrité des touristes, qui, enivrés des senteurs du cannelier tout proche, se sont assis au bord de la piscine dont l’eau aussi bleue que le ciel, a porté en écho leurs rires. Là cette pierre maintenant la tôle, se souvient encore du dernier cyclone qui a obligé des mains expertes, rue du 14 février 1952, à entourer, comme une architecture d’urgence nouvelle, le haut de la case de bouteilles en plastique écrasées, pour lutter contre l’effraction des trombes d’eau.
Ca et là, des maisons, splendeurs antiques des habitations, aux toits d’une arrogante supériorité, malgré l’emprise de la rouille, semblent contempler les alentours avec dédain, dominant la case d’en bas dont le figuier maudit a emprisonné les ouvertures. La nature est peut-être vengeresse des péripéties malfaisantes d’une personne aux pratiques sorcellaires ayant habité là, logement montré du doigt qui accélérait les pas des passants la nuit venue. La spiritualité est omni présente. On dirait qu’à certains endroits le sol est recouvert d’une nappe de surnaturel, entre décision de mise à mort symbolique d’un ennemi par magie analogique et l’édification de niches murales réservées à la Vierge Marie. Différence de hiérarchie des croyances qui hissent vers la voûte céleste l’icône de l’incarnation et dispose sur le vulgaire terrestre les manipulations occultes. Se protéger, mettre en garde aussi les éventuels ennemis, avoir peur et faire peur, se décryptent dans ces ossements de tête d’animaux en évidence sur le chemin ou cloués sur un arbre. L’étranger n’y voit qu’une fantaisie artistique dont il ne connaît pas le sens. L’île toute entière est un espace religieux hanté par les divinités et les démons qui se disputent les lieux de l’imaginaire.
Mais on reste frappé par l’état de négligence qui oublie les objets constitués en déchets, là où ils sont tombés ou jetés. Est-ce à dire que la beauté des sites laissent insensibles ou que nul souci d’entretien n’anime les municipalités ? La gent canine et bovine, sous l’ardeur du soleil distille une odeur putride, morte là par hasard ou par imprudence d’une voiture recueillie par le ravin.
La découverte d’un autre décor que celui de cartes postales, distille une impression de délaissement, d’indifférence, de pauvreté, de pourriture, dissimulés aux regards de gens pressés regagnant leurs belles demeures. Point de mise en lumière non plus d’un art de marronnage où les produits de la mer, coquillages petits et gros, s’allient au ciment. L’invité ne saurait s’égarer. Ingéniosité d’un escalier de palets, de hublots enfoncés comme des yeux dans des fenêtres, d’une sculpture champêtre aux vifs coloris. La main de l’homme s’est retirée avec son corps des constructions, les laissant à une désagrégation programmée, pour un peu plus loin, modeler avec imagination, au gré de ses besoins, d’autres agencements pleins de vie.
Guadeloupe insolite, que l’avancée moderne ne cesse d’éradiquer avec le traitement des déchets, la reconstruction, la protection et le respect de la biodiversité.